La plage.

Le mois d’août. La chaleur. La mer. Le sable collant. Les cris des enfants. Le bruit des vagues.

La masse humaine se pressant dans quelques mètres carrés d’été. Se lever tôt pour dénicher la meilleure place. Pas trop près de l’eau avec les mioches qui creusent et giclent, c’est pénible. Mais pas trop loin histoire de ne pas se brûler les pieds. Et puis les parasols qui bouchent la vue, quel gâchis. Ce n’était pas comme ça avant, on pouvait profiter de l’horizon. Et puis cette proximité, ce contact permanent avec l’autre. Faut aimer ça. On pourrait aller plus loin, dénicher des paradis perdus. Mais bon. Elle est quand même pratique la plage avec son parking gratuit dans la pinède. Pas besoin de marcher trop. Rassurante. Avec ses cahutes pour s’offrir une glace à l’eau et ses vendeurs de cocos. Et de chouchous.

Ces familles nombreuses, avec le pique-nique bien au frais dans son alu, les bouteilles de soda, les tentes anti-UV, les sacs en plastique débordant de jeux en plastique, les matelas gonflables et les bouées en forme de planète. Ce groupe de mamies à la peau usée au solarium, apprêtées pour l’occasion, avec leurs cheveux fraîchement déroulés des bigoudis, leurs plaintes et leurs ragots. Ces sportifs, passant d’un ballon à l’autre, ou défilant fièrement avec leurs muscles à tour de bras au bord de l’eau cherchant à attirer l’attention lascive de jeunes femmes faussement exaspérées. Ce groupe d’enfants d’un quartier défavorisé qui voit la mer pour la première fois, sautant dans les vagues et hurlant d’un bonheur aussi grand que l’océan. Ces adolescentes topless, crème solaire de chaque indice pour chaque heure de la journée, peaufinant leur bronzage et amenuisant leur capital soleil tout en vérifiant sur les réseaux sociaux le dernier statut de l’influenceuse du moment, histoire d’adopter la bonne pose. Cette mère de famille attirant les regards et les chuchotements lorsqu’elle ose s’approcher de la mer qu’elle se contente d’habitude d’observer de loin, sous son hijab. Parce que quand même, c’est pas très hygiénique les tenues de ces gens-là. Qu’elle vienne pas se plaindre, elle pourrait les enlever ses couches de tissus, si elle a si chaud que ça. Cet homme d’affaires, portable vissé à l’oreille, faisant semblant d’apprécier un moment de complicité père-fils en octroyant de temps en temps un signe de la main à sa progéniture qui tente désespérément d’exister.

Et puis gentiment, quand le soleil décline de manière inversement proportionnelle à l’attrait de l’apéro, les mères rassemblent leur progéniture, les pères rincent le sable des jouets et des matelas. On fouille le sable à la recherche d’objets perdus, le sable frais qui donne envie d’enfouir les pieds brûlés par le soleil. On charge les affaires et les petits enfants qui s’endorment, on se dirige vers le continent, croisant les jeunes qui arrivent pour profiter de la plage qui se vide et qui n’appartiendra qu’à eux le temps de quelques heures volées.

La plage qui ne se reposera que durant la fin de la nuit, quand la marée l’aura lavée de sa journée d’été harassante, prête à affronter l’assaut d’une nouvelle vague humaine.

La plage qui reste. Immobile et patiente. Immuable. Eternelle.


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