Maggie O’Farrell

Editions 10-18 / 2021 / 480 pages
Porté par une écriture d’une beauté inouïe, ce nouveau roman de Maggie O’Farrell est (…) avant tout une magnifique histoire d’amour et le tendre portrait d’un petit garçon oublié par l’Histoire, qui inspira pourtant à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.
1956, dans la campagne non loin de Londres, les jumeaux Judith et Hamnet, inséparables, doivent accomplir leurs tâches à la maison, comme tous les jours. Mais Judith ne se lève pas ce matin-là. Elle est malade et incapable de suivre son frère. Hamnet cherche désespérément quelqu’un qui puisse leur venir en aide. Où sont leur mère? Leur grande sœur? Leur grand-mère? Leur père vit à Londres la plupart du temps, il est absent. Le grand-père est fidèle à son poste dans son atelier de cuir mais il n’y a rien à attendre de lui si ce n’est une raclée en cas de mot de trop. Tous sont inconscients de l’ombre qui menace.
Ainsi commence le récit de l’histoire du jeune Hamnet. Mais aussi celle de sa mère, Agnès, femme mystérieuse aux origines enfouies, celle de son père, celui qui n’est jamais nommé dans le roman et dont on a envie évidemment de tout connaître, de leur rencontre et leur amour. Un amour si pur et entier, réciproque et respectueux à une époque où l’épouse était si peu considérée.. mais quand on rencontre Agnès, on ne peut imaginer un autre amour pour cette femme. Une femme entière, ancrée, puissante et déterminée qui n’a pas besoin des autres. Ou en tout cas qui pense que sa clairvoyance lui permet de tout affronter, alors qu’elle ne prend pas conscience du mal qui émane de sa propre chair…
Ce qui est donné peut être repris, à n’importe quel moment. La cruauté et la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l’abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu’ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, et se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu’ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons..
Une histoire follement belle sur la condition de la femme, de la mère, sur le lien indéfectible qui lie une sœur et un frère. Une histoire d’amour donc, mais aussi d’un deuil impossible. De l’innommable. De la recherche d’une reconstruction pour permettre de se relever, même à genoux et, pour cela, d’une ode à l’art qui permet d’ancrer la vie dans le temps, de ne jamais oublier.
Je dois dire que j’ai été absolument charmée par l’écriture de Maggie O’Farrell. Quelle beauté ! Quelle musicalité ! C’est d’une poésie extrême, rythmée à la perfection, jusqu’à nous procurer le sentiment de faire partie de l’histoire. Des mots choisis avec tant de justesse et d’émotion. Si l’autrice offre une histoire extrêmement triste, ce qu’on sait dès le début, elle est aussi et surtout extrêmement humaine par ses détails sur la vie quotidienne, sur les sentiments des personnages si profondément sondés, extrêmement vivante en un mot.
Vous l’aurez compris c’est un IMMENSE coup de cœur pour ce premier roman que je lis de l’autrice et qui ne sera clairement pas le dernier 💜
Hamlet, là sur scène, est deux personnes à la fois : le jeune homme, vivant, et le père, mort. Vivant et mort à la fois. Son mari l’a ramené à la vie, de la seule manière qu’il pouvait. Tandis que le fantôme parle, Agnès voit que son mari, en écrivant ces mots, en s’attribuant le rôle du fantôme, a pris la place de son fils. A pris la mort de son fils, l’a faite sienne ; s’est placé entre les griffes de la mort pour faire resusciter son fils.
