Rachid Benzine

Editions Points / 2023 / 96 pages
L’écrivain se place à la hauteur du petit Fabien pour évoquer le sort de ceux qui, amenés en Syrie par leurs parents djihadistes, y sont aujourd’hui retenus.
Le Monde – mars 2022
90 pages. Elles suffisent à nous emmener au bout de l’enfer. Une dégringolade terrifiante contée par un enfant avec ses mots à lui. Des mots légers, sans gravité parce que quand on a pas 10 ans la gravité c’est de perdre a un match de foot, pas de ne plus pouvoir y jouer parce qu’on a perdu ses jambes en sautant sur une bombe.
Et pourtant ce sont bien des mots d’enfants qui décrivent l’horreur absolue. Celle de quitter son foyer, ses repères rassurants, ses copains et son prof de français. De se retrouver au milieu des femmes corbeaux dont on ne voit plus que les yeux et des pères qui disparaissent pour parti se battre. Pour qui? Pour quoi? Peu à peu plus personne ne s’en souvient.
L’horreur. Celui d’aucun retour en arrière possible. Certaines atrocités si violentes sont dites tout bas, balayées en quelques mots, à peine murmurées, comme si elles ne pouvaient pas être formulées par une bouche d’enfant. Comme si ces mots n’existaient pas encore à cet âge alors comment les formuler ?
Les malheurs des enfants, je crois que ça n’intéresse jamais vraiment les gens. Sinon, ça ferait longtemps qu’on les ferait plus souffrir.
Et il y aurait depuis longtemps une Convention internationale des droits de l’enfant.
L’incompréhension engloutit tout, la sensation ne plus appartenir à aucune identité. Alors qu’on veut les traiter en troupeaux, chercher à se faire tout petit, transparent, ne pas faire de vagues… et puis oser, essayer peu à peu de redonner de la couleur à une vie en gris, à force de gentillesse, de douceur et d’un cœur si pur dont émergent des poèmes comme des oiseaux qui s’envolent loin des camps et des hommes en noir.
Un livre si dur mais si important. Ce destin qui est imposé à tant d’enfants qui n’ont rien demandé.
Quand prendra fin la folie des hommes…
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui dans un soupir
Il dit oui à ce qu’il aime
Il dit non à son émir
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les sourates et les mots arabes
Daesh et les lionceaux du califat
Les massacres et les attentats-suicides
Et malgré les menaces de l’émir
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
