Naomi Krupitsky
Editions Gallimard – Du monde entier / 2023 / 400 pages
La Famille est une magnifique histoire d’amitié féminine liée à une exploration fascinante des coulisses de la mafia, vue par des femmes.
Avec ce premier roman, Naomi Krupitsky tape dans le mille. Elle nous emmène dans le Brooklyn des années 30 où les familles d’immigrés italiens vivent en autarcie, jamais loin les unes des autres. Les familles dans la Famille. De celle dont on fait partie pour la vie.
Sophia et Antonia sont des filles de la Famille. Si elles ne sont pas sœurs, elle le deviennent. Vivant à deux pas, grandissant dans les traditions immuables du repas dominical, du respect de la hiérarchie, des secrets qu’on ne cherche pas à percer, des absences auxquelles on ne veut pas penser. Accepter sans un mot.
Dans son imagination, jamais Joey n’avait de fille adulte. À ses yeux d’enfant de dix ans, rien n’était plus effrayant qu’une fille. Dans son imagination, Giuseppe Colicchio n’avait naturellement jamais eu d’agitatrice grandeur nature et incontrôlable menaçant de renverser son business ainsi que sa famille. Et s’il est vrai que Sofia est la plus grande joie de sa vie et qu’il admire sincèrement sa détermination, sa persévérance, son insistance absolue à être elle-même quelles que soient les circonstances, il est aussi vrai que Joey se hérisse quand cette ténacité est dirigée vers lui.
L’histoire nous parle de ces gamines, devenues adolescentes, si proches et si différentes avec leurs désirs naissants et le passé qui les a forgées. L’une veut se détacher de la fatalité qui l’a placée dans cette cage dorée, l’autre en faire un atout et montrer qu’elle vaut autant qu’un homme. Car c’est là aussi le sujet central de ce roman magistral. La femme. La place qu’elle décide de se faire ou de subir. L’ambivalence de ces femmes de l’ombre sans qui rien ne serait possible. Une sororité, une loyauté qui suit chaque génération, donnant le courage et les ressources nécessaires.
Sophia et Antonia vont faire l’expérience des décisions, des choix au milieu d’un monde en guerre, de la violence quotidienne. De ceux qu’on assume coûte que coûte.
Un immense coup de ♥️ pour ce premier roman. J’ai une fascination pour les histoires qui tournent autour de la mafia, du New-York des années 30 qui a vu tellement d’immigrés tenter de se faire une place dans cette jungle urbaine. Un livre vrai et sans concessions qui donne envie de se replonger dans Le Parrain ou les Sopranos. Un livre qui sent les tomates à l’ail et la chaleur de la Sicile.
C’est un appartement qui pourrait raconter des histoires sur ces occupants même s’ils n’étaient pas là. Il s’évertue à contenir la famille, à absorber les odeurs de la cuisine et la vapeur des douches et les larmes des disputes.
bouquineries.com 