Emily Fridlund

Editions Gallmeister / 2019 / 304 pages
Il s’agit moins de dénoncer les fils d’une catastrophe annoncée et évitable que de dresser un portrait sans naïveté de l’adolescence.
Déconcertant. Voilà ce qui m’est venu en tête en refermant ce roman. Pas de déception, pas d’émotions, pas de réflexions. Juste un peu de vide déconcertant.
Si l’histoire commence avec les bases d’un thriller psychologique prometteur – une jeune fille atypique et solitaire qui vit perdue au fond des bois avec ses parents marginaux, qui rencontre la femme un peu étrange qui vient d’emménager dans la maison de la rive d’en face avec son fils de 4 ans – on s’enfonce peu à peu dans une écriture dont le rythme monotone nous plonge dans une torpeur plutôt gênante.
L’autrice ne cherche pas à analyser la psychologie de ses personnages – pourtant bien particuliers – mais s’attache à restituer simplement les actes et les sentiments de Madeline. Les difficultés de l’adolescente avec le monde qui l’entoure occulte l’intrigue qui pourtant crée un climat de tension permanent, le lecteur étant au courant rapidement de l’issue de la tragédie qui prend forme le long des presque 300 pages.
Ce n’est pas qu’il était turbulent. Mais il avait un côté féroce ; quelque part en lui, une frontière très nette séparait l’ordre du chaos. Par exemple il ne supportait pas le moindre accroc dans sa routine. Si je m’attardais après l’avoir ramené chez lui – si Patra sortait une assiette supplémentaire et me montrait comment battre l’huile avec du citron pour faire une vinaigrette -, Paul devenait de plus en plus collant. Possessif. Toute la durée du dîner, il suppliait Patra de le prendre sur ses genoux et finissait par obtenir gain de cause, enfouissant la tête dans le cou de sa mère. Elle mangeait sa salade d’une main, caressait les cheveux blonds de Paul de l’autre.
Le chaos qui règne dans l’esprit de la jeune femme, ses attentes et ses rêves, la situation des jeunes qui grandissent dans une région isolée, le rapport malsain à la religion, les communautés autochtones, la condition de la femme, la nature, la pédophilie… J’ai eu la sensation pénible que l’autrice a voulu traiter trop de thèmes dans une histoire qui se serait suffi à elle-même. Malgré – ou à cause – des ellipses qui auraient pu étoffer le récit, on attend des explications qui ne viennent pas, on découvre des problématiques auxquelles ne sont apportées aucune réponse… on ne fait qu’accompagner Madeline (qui change régulièrement de prénom) durant quelques mois de sa vie, étant elle-même trop souvent spectatrice de ce qui lui arrive.
Troublant. Déconcertant.
Finalement, je ne mourrai pas, pas maintenant, mais continuerai de vivre vertigineusement, à jamais dans la réalité, à moitié sourd à la réalité, dans la pièce imprégnée du feu que notre volonté inextinguible déclenche.
