Eric Chacour

Editions Philippe Rey / 2023 / 302 pages
Un livre qui embaume l’ail, l’anis et les secrets de famille.
Le Caire, les années 60, 80. Puis 20 ans plus tard. Ses différence flagrantes de classes, ses besoins de réussite et ses envies de liberté. Ses secrets de famille.
C’est dans cette Égypte-là que l’auteur installe son premier roman, au sein d’une famille aisée où le père médecin ne posera la question à son fils qu’une seule fois « ingénieur ou médecin? ». Celui-ci fait son choix parce qu’il ne connaît qu’un seul de ces mots, faisant la fierté familiale et traçant une voie sans pas de côté, sans questionnement.
Au fil des ans, Tarek avance dans un quotidien partagé entre une épouse idéale, un métier passionnant et une famille fière et aimante. Il ne lui manque rien. Peut être un enfant qui tarde pour combler sa femme et sa mère? Ou peut-être une liberté qu’il découvrira en ouvrant un dispensaire dans un quartier pauvre. Cette soif qu’il ne soupçonnait pas et qui se révèle aux côtés d’Ali, ébranlant toutes ses certitudes et bouleversant sa vie, dévoilant des failles qui ne se refermeront jamais.
Ce n’est pas tant que l’on s’habitue aux deuils : on finit simplement par se faire à l’idée que nous sommes mortels. On y trouve même parfois une certaine forme d’apaisement. Il nous arrive de pleurer encore. On pleure pour se sentir vivant, on pleure comme un rappel de son propre sursis, on pleure de mesurer l’extrême précarité de celui-ci. On dit que l’on pleure ceux qui nous ont quittés mais, à la vérité, on ne pleure jamais que sa propre impuissance.
Ce qu’il sait de lui. Parce que ce roman d’une sensibilité folle est écrit à la deuxième personne et se présente petit à petit à la façon d’une longue lettre ou d’une confession adressée comme une bouteille à la mer. Mais je n’en dis pas plus. La plume d’Eric Chacour, dont on peine à croire qu’il s’agit-là de son premier roman, dépeint l’âme humaine avec pudeur et respect à l’image de son personnage principal. On a parfois envie qu’il nous entraîne plus en avant dans les sentiments intimes de ses personnages, puis on se ravise. On n’est pas là pour ça. C’est un livre comme une caresse. Qui pique parfois les yeux. Mais sonne magnifiquement juste. Qu’est-ce que j’aime les auteurs qui écrivent si bien la vie.
Un très gros coup de cœur pour une de mes dernières lectures de cette année 🤍
Je cesse à présent d’écrire ta vie, parce que les mots ne peuvent pas tout. Ils ne peuvent pas ramener de la mort ceux qui nous ont quittés, ils ne peuvent pas guérir les malades ou résoudre les injustices, tout comme il est absurde de prétendre qu’ils déclarent des guerres ou y mettent fin. Dans un cas comme dans l’autre, ils ne sont au mieux qu’un symptôme, au pire un prétexte.
