R.J. Ellory

Editions Le Livre de Poche / 2023 / 480 pages
Si le roman policier obéit à des règles, la première et la plus importante consiste sans doute à les rendre invisibles. R.J. Ellory qu’on n’a jamais pu prendre en faute depuis « Seul le silence », nous offre une fugue en territoire hostile.
SudOuestPress, mars 2023
Dans le quinzième roman traduit en français de cet auteur qui me touche sans exception à chaque fois, on est envoyé au fin fond du Canada. dans le Grand Nord, où l’été ne dure que le temps de se préparer pour survivre à l’hiver hostile.
Jack Devereaux doit y revenir, à Jasperville. Après vingt-six ans. Cette ville du bout du monde où il a passé presque toute son enfance dans une famille heureuse, débarquée là un peu par hasard pour le travail du père. Puis ça a été le temps de la découverte des jeunes filles mortes, tuées par un désespoir animal ou une folie humaine… Le début d’une sorte de malédiction qui n’épargnera pas les habitants de Jasperville, les membres de la famille Devereaux ne faisant pas exception à la règle.
Quand Jack, installé à Montréal depuis de nombreuses années, est contacté par l’unique flic de sa ville d’enfance, il sait que son passé l’a rattrapé. À travers les actes de son petit frère Calvis resté là-haut dans le Nord, c’est tout un pan de sa vie qui le frappe violemment et il va soudainement ne plus avoir le choix d’affronter ce qu’il a tenté de fuir durant toutes ces années.
N’importe quelle culture à ses démons. Les démons sont aussi vieux que l’Homme. Peut-être est-ce une façon pour lui d’expliquer sa dualité, les pulsions malvenues, la violence, la folie. Je vois la possession comme une manière de se défausser de sa responsabilité. Si l’on est fou, ou qu’il y a des esprits mauvais qui vous conduisent à faire des choses, alors vous n’avez pas à vous les reprocher. Ainsi fonctionne la foi, n’est-ce pas ? Si l’on peut croire en Dieu, alors pourquoi ne pas croire au diable et à tout ce que représente un tel concept.
À travers sa construction en chapitres alternant la vie actuelle de Jack et ses souvenirs, R.J. Ellory nous offre une spirale qui nous aspire petit à petit, inlassablement, dans cet enfer glacé dont on comprend qu’on ne peut que difficilement le quitter une fois qu’on s’y est engouffré.
Les personnages sont, comme à l’habitude de l’auteur, extrêmement émouvants, dépeints en profondeur… Le personnage de Jack, avec sa quête de rédemption, m’a particulièrement questionnée. Contrairement aux personnages principaux des romans de l’auteur, il ne m’inspirait aucune empathie au premier abord. Puis il m’a peu à peu touchée jusqu’à me laisser avec le sentiment que je retrouve si souvent dans les romans d’Ellory : celui d’un homme. Juste un homme. Avec ses fêlures, ses forces et sa résilience.
Un nouveau roman magistral de cet auteur qui définitivement me parle comme peu d’autres y parviennent.
Le passé devait rester le passé. Les regrets ont aussi peu de valeur qu’une montre cassée. Voire moins. Une montre cassée a le mérite de donner l’heure deux fois par jour.
