Né d’aucune femme

Franck Bouysse

Le Livre de poche / 2019 / 336 pages

Ce roman sensible et poignant confirme l’immense talent de Franck Bouysse à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.

Dans l’anonymat du confessionnal, Gabriel reçoit la demande particulière d’une de ses fidèles. Il doit récupérer des cahiers écrits par une femme dont la mise en lumière permettrait de rétablir des vérités tues depuis trop longtemps… les cahiers de Rose.  

Nous découvrons donc, avec ses mots, l’histoire de Rose, cette jeune fille de quatorze ans qui se retrouve domestique chez des bourgeois après avoir été vendue par son père, pensant ainsi tenter de sauver le reste de la famille. Piètre consolation pour cet homme que sa funeste décision perdra à jamais. Il tentera de faire marche arrière mais la machine qu’il avait actionnée avec le maître du domaine des Forges était lancée.  

Entre un homme imposant dont la femme est alitée dans une chambre close, sa vieille mère qui surveille son petit monde comme un fantôme qui rôde, Edmond qui s’occupe du jardin et des chevaux et qui semble à part, et les rares visites d’un médecin, Rose tente de se faire à sa nouvelle condition. Elle ne voit pas les vautours, les serres des rapaces se refermer sur elle malgré les avertissements et les mauvais présages… elle se retrouve piégée dans une violence inouïe qui la mènera au plus loin qu’une femme puisse aller sans sombrer dans la folie.

La seule chose qui me rattache à la vie, c’est de continuer à écrire, ou plutôt à écrier, même si je crois pas que ce mot existe il me convient. Au moins, les mots, eux, ils me laissent pas tomber. Je les respire, les mots-monstres et tous les autres.

Il émane de ce récit une puissance incroyable. D’une part grâce à la plume de Franck Bouysse – que j’avais découverte avec le très beau Les Buveurs de vent – qui sait manier les émotions de manière unique mêlant la poésie à la brusque réalité des choses. Certains passages sont parfois presque insoutenables mais toujours accompagnés de mots d’une sensibilité rare. Et puis la personnalité de Rose, les mots qu’elle écrit malgré son manque d’éducation qui sont, purement, des sentiments couchés sur le papier. On évolue avec elle, perdant sa naïveté et se confrontant à la violence des hommes, s’essoufflant à ses côtés jusqu’au dénouement final. Magistral.  

Seul le passé nous travaille le corps. Il finit toujours par remonter à la surface, comme un bouchon en liège privé de lest. Les légendes qui l’encombrent sont le fruit de grandes passions, de grands rêves, et d’incommensurables souffrances ; tout cela et rien de plus que cela. Les légendes, elles vieillissent, se délitent avec nous, se recomposent avec d’autres, à l’infini.

Note : 4.5 sur 5.

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