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Editions Pocket / 2018 / 578 pages
1875. Amedeo, enfant trouvé, grandit dans un orphelinat de Florence sous la protection du Dr Esposito. Devenu médecin à son tour, il s’installe à Castellamare, une petite île bordée au nord par les lumières de Syracuse et, au sud, par la mer à perte de vue. Amedeo gagne très vite la confiance des habitants grâce à la finesse de ses diagnostics et à ses bons soins. Il entame une liaison avec Carmela, la femme du comte de l’île et maire du village. La Première Guerre mondiale éclate, Amedeo part se battre. À son retour en 1919, Amedeo décide d’acheter l’une des plus vieilles maisons de l’île, réputée maudite… et d’épouser Pina, la veuve de l’instituteur. Quelques mois plus tard, il met au monde deux enfants : celui de sa femme et… celui de Carmela. Ce scandale lui coûte sa réputation, le métier qu’il aimait tant et marquera à jamais son destin ainsi que celui de sa descendance.
Castellamare. C’est sur cette petite île italienne au nom de muraille ensoleillée, un caillou plus au sud que la pointe sud de la Sicile, que va se dérouler, au fil des années, l’histoire d’Amedeo, un médecin orphelin né à Florence la fin du XIXème siècle et venu s’installer au milieu des autochtones, puis de sa famille et leurs descendants. Durant plus d’un siècle, on suit les amours, les scandales, les passions, les souffrances et les espoirs des habitants de cette île oubliée du continent, qui vivent de l’élevage des chèvres et de la production d’olives, au rythme des miracles de leur chère protectrice Santa Agata .
On assiste au développement de l’île au gré des ans, toujours en retard sur la civilisation, le long des progrès et des guerres qui ravagent le monde. C’est ainsi que débarquent un jour la télévision, une nouvelle machine à glace qui fait sensation, ou le système bancaire qui redistribue les cartes, enfin les touristes qui envahissent l’île et en bouleversent les habitudes ancestrales. Tous les événements se produisent autour de la scène centrale du livre, l’ancien café La Maison au bord de la nuit, repris par la famille Esposito, qui voit se dérouler les intrigues et les rencontres, les naissances, les victoires au prix de luttes incessantes.
Léna reviendrait fouler les mêmes sentiers de chèvres qu’autrefois son grand-père, sa sacoche d’instruments dans une main et des histoires plein la tête, son grand-père l’orphelin devenu fondateur, le draineur de marais, le soigneur de maux, le dévoué protecteur de ces lieux..!
C’est un vrai conte à l’italienne qu’on lit avec passion et qu’on avale comme un plat de spaghetti aux tomates baignées par le soleil et l’ombre des bougainvillées. On aime la force de caractères des gens du sud, la poigne des madone et la fidélité des croyants. Comme dans tout conte on y croise des légendes et des fantômes, on assiste à des tragédies, des trahisons, des légendes et des espoirs… avec en plus la profondeur des tempéraments latins fiers et sans réserve. Le conte est également présent au sein de l’histoire, à travers Amedeo qui inscrit consciencieusement, année après année, dans son petit carnet de cuir rouge les histoires de ses patients, les légendes de l’île, en devenant le dépositaire et parsemant le roman de petites parenthèse pittoresques.
Si le style d’écriture un peu désuet m’a surprise au commencement de ma lecture, j’ai appris à lui faire confiance et il joue un vrai rôle dans la mise en contexte de l’histoire. Une écriture riche et pointant chaque détail comme il doit l’être et pas autrement. On ressent le travail conséquent effectué par l’auteure pour restituer au mieux l’atmosphère si particulière et les événements historiques au plus juste. Les époques y sont décrites magnifiquement, l’histoire telle qu’on la connaît suit son cours en parallèle de celle propre à Castellamare, loin du tumulte des guerres et des paix, laissant filtrer de temps à autre un impact de la civilisation.
Mais l’île, personnage à part entière, voire figure principale, impose son emprise sur ses habitants, elle sur qui plane une ancienne malédiction, celle des soupirs et des sanglots. Si elle les protège de l’extérieur en leur offrant un écrin aride mais rassurant, elle les empêche aussi de la quitter, les rendant dépendants de ses mythes et ses légendes. Si certains rêvent de la quitter, ils ne peuvent s’empêcher d’y revenir. Toujours.
Un très beau roman dont je ne peux que recommander la lecture, une véritable plongée dans un monde à part, qui sent bon les oliviers et la poussière brûlante, et qui donne envie de se perdre au milieu de la Méditerranée.
C’était le genre d’endroit qu’on ne pouvait aimer qu’au prix d’un certain effort, et pourtant, comprenait-elle à présent, c’était le seul endroit sur terre qu’elle pût aimer vraiment.