Hubert et Zanzim

Editions Glénat / 2020 / 160 pages
Les femmes de notre famille, nous avons un secret, nous avons en notre possession une peau d’homme.
Nous l’appelons Lorenzo.
Une fois la peau revêtue, nul ne peut se douter que tu n’es pas un garçon. Ainsi tu pourras voyager incognito dans le monde des hommes.
Quel incroyable objet que ce Peau d’Homme… un vrai trésor burlesque !
On se retrouve dans l’Italie de la Renaissance, aux côtés de Bianca, une jeune aristocrate qui se voit promise à un homme qu’elle ne connaît pas, à son grand désarroi. Contrairement aux moeurs de son époque, la jeune fille aimerait apprendre à découvrir son promis avant de se voir passer la bague au doigt. Grâce à sa marraine – la bonne fée – Bianca va découvrir le secret préservé des femmes de sa famille : une peau d’homme qui, une fois revêtue, devient le sublime Lorenzo – totalement opérationnel soit dit en passant – et permet à celle qui la porte de s’infiltrer incognito au sein du monde masculin si exclusif…
A l’assaut de son futur époux, Bianca-Lorenzo va peu à peu comprendre ce qui se cache derrière le masque des hommes, ce qui les rassemble, ce qui les motive, ce qui les stimule… et elle va vite y prendre goût ! Quel bonheur de sentir les possibles que recèle un corps d’homme alors que la femme qu’elle est a toujours été bridée et ignorée. Elle va alors goûter à tous les interdits, bravant toutes les censures pour se rapprocher de l’homme qu’elle apprend à aimer. Mais la vie sensuelle, sans entraves et trop facile de Lorenzo n’est pas une option à long terme et Bianca va devoir trouver une alternative à cette farce, sans pour autant se retrouver à nouveau enfermée dans sa condition de femme soumise.
Le rythme de l’histoire est ultra plaisant, on ne s’ennuie pas un instant, comme dans un loufoque vaudeville. Les thèmes, totalement d’actualité, sont extrêmement bien abordés. Les questions du genre et du non-genre, de la condition féminine, de l’homosexualité, du totalitarisme… même si on recule de plusieurs siècles, restent de nombreuses sujets d’actualité et la morale aride de la Renaissance ne nous paraît plus si lointaine.
On aime particulièrement le personnage de Bianca, qui se révèle à elle-même, ultra féministe et avant-gardiste, et s’affranchit en revêtant Lorenzo d’une société patriarcale et dirigée par des préceptes religieux d’un autre âge. Elle agit comme un levier dans une société en quête de libération des moeurs. Une ode à la liberté, l’amour et la beauté qui fait la peau à un puritanisme hors d’âge.
Les illustrations de Zanzim, épiques, suivent parfaitement le rythme de l’histoire et sont agrémentées de plusieurs grandes planches en pleines pages remplies de mouvement et de couleurs subtilement choisies pour incarner les sentiments et les sensations des personnages. Et que dire de la couverture, un vrai tableau de la Renaissance aux contours finement ciselés. Une vraie réussite! Une fable d’un autre temps, dans une forme qui épouse celle du conte conventionnel – parfois libertin – pour distiller subtilement une morale parfaitement adaptée à des réalités actuelles. Merci M. Hubert !
Et cette année, au carnaval, un jeune de la ville, le plus joli, dit-on, a été élu Lorenzo de l’année et a porté fièrement la couronne de roi et la robe échancrée pour faire tourner en bourrique les bigots et les méchants maris, au grand déplaisir de nos prêtres qui prêchent en chaire contre cette nouvelle tradition, en vain tant elle est populaire.
VIVA LORENZO !








