Les victorieuses

Laetitia Colombani

Editions Grasset / Le Livre de Poche / 2020 / 240 pages

A 40 ans, Solène a tout sacrifié à sa carrière d’avocate : ses rêves, ses amis, ses amours. Un jour, elle craque, s’effondre. C’est la dépression, le burn-out. Tandis qu’elle cherche à remonter la pente, son psychiatre l’oriente vers le bénévolat : sortez de vous-même, tournez-vous vers les autres, lui dit-il. Peu convaincue, Solène répond pourtant à une petite annonce :  » association cherche volontaire pour mission d’écrivain public  » .

Elle déchante lorsqu’elle est envoyée dans un foyer pour femmes en difficultés… Dans le hall de l’immense Palais de la Femme où elle pose son ordinateur, elle se sent perdue. Loin de l’accueillir à bras ouverts, les résidentes se montrent distantes, insaisissables. A la faveur d’un cours de Zumba, d’une lettre à la Reine d’Angleterre ou d’une tasse de thé à la menthe, Solène va découvrir des femmes aux parcours singuliers, issues de toutes les traditions, venant du monde entier.

Auprès de Binta, Sumeya, Cynthia, Iris, Salma, Viviane, La Renée et les autres, elle va se révéler étonnamment vivante, et comprendre le sens de sa vocation : l’écriture. Près d’un siècle plus tôt, Blanche Peyron a un combat. Capitaine de l’Armée de Salut, elle rêve d’offrir un toit à toutes les femmes exclues de la société. Sa bataille porte un nom : le Palais de la Femme. 

Définitivement, Laetitia Colombani aime les femmes. Elle les aime sous toutes leurs coutures, elle aime leurs faiblesses, leurs passions, leurs drames et leur courage. Leur force surtout. Celle qui est insufflée à chaque fillette, devenue mère ou se battant pour ses droits. Parfois juste le droit à la vie.

Dans sa Tresse déjà, l’auteure nous faisait découvrir avec émotion les destins de femmes battantes, décidées à ne pas laisser la vie choisir pour elles. Dans ce nouveau roman, elle nous conte l’histoire de deux femmes, liées sans le savoir par un besoin insoupçonné d’aider d’autres femmes. Un instinct de sororité.

Le voilà, le vrai visage de la précarité. Il n’est ni dans le journal, ni sur un écran de télévision mais se tient là, en face d’elle, tout près. Il ressemble à deux euros dans un porte-monnaie.

Solène, avocate bien installée, chute un jour où un drame la frappe de plein fouet dans le cadre de son travail. Tout ce qu’elle a. Le reste, elle l’a sacrifié. En tentant de se retrouver et de puiser un sens à sa vie trop vide, elle se retrouve en mission bénévole (aider les autres pour se trouver soi même) en qualité d’écrivain public. Elle prête ses mots à d’autres. Et c’est dans le cadre incroyable du Palais de la femme, un foyer en plein Paris, qu’elle va se révéler, au milieu des résidantes, des histoires terribles de ces autres femmes qui se sont sauvées, ou perdues, un peu comme elle.

Blanche, au début du XXème siècle, a choisi d’aider son prochain et de dédier sa vie aux plus démunis. Engagée volontaire dès son plus jeune âge à l’Armée du Salut, elle oeuvrera sa vie entière, aux côtés de son mari Albin, pour offrir un toit aux sans-abris, une soupe aux plus pauvres. Jusqu’à sa plus grande victoire, gagnée au prix de multiples sacrifices et d’une détermination sans faille, offerte aux exclues de la société : le Palais de la femme.

Sur le bicycle, elle – Blanche – est saisie d’une sensation nouvelle, celle d’une infinie liberté. Elle est seule responsable de son mouvement, de sa vitesse, de sa direction. C’est ainsi qu’elle entend diriger sa vie-sans entrave, du vent dans les cheveux. De là-haut, elle voit le monde autrement.

Le récit alterné du combat de ces deux femmes, chacune ancrée dans son époque, offre la vision d’une société qui a malheureusement encore bien du chemin à parcourir, malgré les victoires, malgré les étapes franchies, malgré le temps qui passe. Dignité et respect. Deux tout petits mots, qui ne demandent qu’à être mise en lumière un peu plus souvent.

J’ai particulièrement aimé découvrir le parcours de Blanche Peyron, une femme dont la détermination n’a d’égal que le courage et qui mériterait à être plus connue. L’auteure lui rend ici un bel hommage. Les histoires des femmes du Palais nous touchent elles-aussi en plein coeur, décrivant tour à tour les fléaux que rencontrent et subissent les femmes d’aujourd’hui, quelle que soit leur provenance ou leur niveau social. Et même si la plume de Laetitia Colombani y gagnerait à fleurer un peu moins le pathos – ce qui ne m’avait pas marqué dans La Tresse – elle nous offre ici un livre touchant, qui mérite d’être lu.

Note : 3 sur 5.

Laisser un commentaire


Articles similaires