Sarah Gysler

Editions de l’Equateur / Format Pocket / 2018 / Pages
« Je suis née au milieu des années nonante dans une famille décomposée. On était de ces enfants qui grandissent avec une clef autour du cou, connaissent les numéros d’urgence par cœur et savent faire cuire des pâtes avant même d’être en mesure d’atteindre les casseroles. Petite, on a tenté de m’expliquer que j’avais des « origines » par ma mère et un père qui ne peut plus courir parce qu’il a trop travaillé. En classe, j’écoutais des professeurs désabusés me raconter comment réussir ma vie. Plus tard, on m’a dit que je travaillerai dans un bureau parce que c’est ce qu’il y avait de mieux pour moi, qu’assez vite j’aurai un mari, une maison, puis des enfants, qui verront le jour presque par nécessité. À vingt ans, j’ai arrêté d’écouter les gens et je suis partie. Seule, en stop et sans un sou en poche. J’ai traversé l’Europe jusqu’au Cap Nord, sans autre but que de ne pas pourrir chez moi. On peut dire que j’ai fui. C’était mon premier grand voyage. Dans ce livre, j’ai voulu raconter mes errances, mes chutes et comment la route m’a sauvée. » S. G.
Attention ! Si vous avez l’intention de lire cette courte autobiographie (ce que je vous conseille fortement) vous vous exposez à une ouverture d’esprit qui risque de vous amener à vous remettre en question et à vouloir réaliser vos rêves. Vous êtes bien sûrs de vouloir vous y risquer?
Moi – et ceux qui me connaissent bien s’en doutent – j’ai évidemment sauté dedans à pieds joints. Et j’en ressors convaincue. Sarah Gysler a cette faculté de réduire les difficultés et de ramener l’impossible à portée de main. Si son est écriture simple et directe, presque parlée (on a un peu l’impression qu’elle nous raconte son histoire dans un café autour d’un verre), elle crée une proximité dont on ne prend pas tout de suite conscience et parvient à redistribuer des cartes qu’on croyait définitives. Grâce à sa soif de liberté, elle démonte chacun des a priori qui nous accule dans un quotidien figé et écrit d’avance.
Née dans une famille plutôt bancale (ou « décomposée »), dans une famille mixte suisse des années 90, Sarah va se confronter successivement à des événements qui l’amèneront à choisir la fuite. D’abord de l’école trop rigide qui ne laisse pas de place aux pas de côté, de ses places de travail alimentaire, de ses amoureux… pour finalement pointer du doigt le hasard d’une destination sur un globe. Si la première partie du livre est dédiée à son enfance et aux choix, la seconde se concentre sur la suite. Sur la libération indécente que Sarah attrape comme un virus : le voyage. Le premier sera vers le nord : la Scandinavie, avec ses gens chaleureux, ses paysages lunaires et son atmosphère unique au monde. Un sac à dos, le strict minimum à l’intérieur et une bonne dose de débrouillardise. Rien d’autre. Comme un pied de nez à notre société consumériste et au carcan dans lequel elle veut nous enfermer dès notre plus jeune âge.
Alors oui ce livre ne nous raconte pas une histoire extraordinaire avec des retournements de situation ou du suspense ménagé avec maîtrise, mais il fait du bien. Il nous fait une promesse : celle qu’on peut vivre la vie qu’on se choisit.
Je me questionne quand j’entends ma mère râler sur son métier depuis plus de vingt ans. Est-ce vraiment ça, la vie, « faire aller »? Comment peut-on supporter ça? Réveil à 6 heures, embouteillages sous la pluie, petit chef véreux, pauses pipi chronométrées, déjeuner sur le pouce, gestes répétitifs, automatiques et abrutissants, la menace du burn-out, la peur du licenciement… Tout ça pour rentrer à la maison épuisé. Produire, toujours plus, toujours plus vite. Être finalement dépossédé de cette production. Et tout ça pour consommer les marchandises faites par d’autres.
Il est de ces livres qui nous parlent, qui tombent dans nos mains au bon moment et agissent sur nous comme des interrupteurs. Merci @laventurierefauchee !
Suivez les aventures de Sarah Gysler sur son blog et sur ses pages Instagram et Facebook.
Le voyage a rassuré mes peurs. Une à une.
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