Hadrien Bels

Editions L’Iconoclaste / 2020 / 256 pages
« J’ai grandi à Marseille et jamais je ne quitterai ma ville. Je l’ai toujours regardée du coin de l’oeil, comme un gamin possessif. En écrivant ce livre, je me suis retrouvé enfin seul avec elle. Ça faisait longtemps que
Hadrien Bels
j’attendais ça. J’ai marché dans ses rues, senti ses odeurs, scruté ses visages marqués et je me suis moqué de ses nouveaux habitants. Elle m’a raconté ses histoires d’avant, ses blessures d’hier et d’aujourd’hui.
Ensemble, nous avons eu un dialogue nerveux et passionnel. »
Le premier roman d’Hadrien Bels, vidéaste et réalisateur qui a grandi à Marseille, est intimement lié à ses souvenirs d’enfance. Inspiré de faits réels comme on dit. Mais il s’arrange aussi avec le réel pour en créer un roman. Et un sacré roman.
Stress, surnommé ainsi par son pote Nordine, nous raconte ses années de jeunesse dans la cité phocéenne des années 90, en particulier dans son quartier populaire, le Panier. Il nous raconte ses amitiés avec ses potes qui viennent de partout, Ichem, Kassim, Djamel et Ange. Et lui au milieu d’eux avec sa peau un peu trop claire. Il nous raconte les soirées, les virées en scooter, les bastons parfois pour garder la tête haute, les filles, les familles.
Mais surtout il nous raconte Marseille. Dont l’auteur dit qu’il l’a trouve « belle comme ça, avec ses mots simples et ses manières de fille des rues ». Sa Marseille. Ses quartiers emblématiques, ses codes, ses rues, son âme. Et puis l’arrivée des Venants, sortes de Bobos venus investir les taudis du centre-ville, poussant la population locale vers les cités dortoirs de la périphérie. Marseille et sa lente transformation, sa ville qu’il ne reconnaît plus vraiment aujourd’hui, alors qu’il veut faire revivre à travers un film ses années de jeunesse, ses amis éloignés ou disparus. Avec un sursaut de mélancolie qui s’accroche encore au présent.
Je sais que dans sa tête il répétait « Cinq dans tes yeux ». Cette expression pour te protéger du mauvais œil de l’autre et même de celui que tu pouvais te jeter à toi-même.
La langue de l’auteur est remplie du soleil de son personnage principal. Comme Marseille, elle surprend, bouscule, malmène quelque peu. Elle est insolente et fulgurante. Elle est pleine de souvenirs et d’accents mêlés, de couleurs et d’odeurs qui nous font voyager entre passé et présent.
J’ai eu énormément de plaisir en compagnie de Stress et ses potes, avec qui j’ai les mêmes souvenirs d’une époque vécue à un autre endroit. Un magnifique premier roman qui sent la peau ensablée et les souvenirs d’enfance.
Je pourrais lui parler des heures, à ma ville. De ses voyous, de ses grandes gueules, de ses mecs qui valent pas un clou, de ses filles avec trop de rouge sur les lèvres et de ses petits-bourgeois qui traversent jamais la Canebière. De ceux qui prennent un accent forcé en gueulant fort : « Allez l’OM! » De ces Venants qui écrivent leur histoire sur des pancartes de manifestation et qui affirment à haute voix : « Fiers d’être Marseillais ! » Ils ont bien compris ces sans-honte, que le plus important, c’est pas d’être marseillais, mais de le faire croire. Et Marseille les écoute.