Jirô Taniguchi




Castermann / 2006 / 410 pages / version japonaise originale 1998
Comme rarement en bande dessinée, Quartier lointain est une expérience de vie. Taniguchi nous ouvre la porte du Japon d’après-guerre et moderne, il nous offre une enfance que nous n’avons pas vécue et dont pourtant il nous rend nostalgique. Il nous donne la plus belle impression qu’on puisse connaître en lisant : celle d’avoir vécu.
Préface de Jaco Van Domel, réalisateur belge
Hiroshi se retrouve dans un train. Mais inconsciemment, ou pas, de retour d’un voyage d’affaires il n’a pas pris celui qui devait le ramener à Tokyo, mais celui qui roule tout droit vers son village natal, Kurayoshi. Vers son enfance. Vers un passé qu’il a quitté depuis longtemps, une mère dévouée et morte d’avoir été abandonnée par son mari, trop de questions sans réponses, trop de regrets et d’amertume. Et pourtant ses pas le portent sur les traces de sa jeunesse, jusqu’au cimetière familial où il s’assoupit étrangement. Il se réveille 34 ans plus tôt, dans le corps du Hiroshi de 14 ans tout en gardant ses facultés intellectuelles d’adulte, avec toutes les possibilités et les espoirs qui accompagnent cette incroyable métamorphose. Cette année-là, le 31 août, son père n’est pas rentré de son travail, abandonnant sa famille sans explication. La vie lui donne-t-elle une deuxième chance d’élucider les zones d’ombre de son enfance ?
Comme souvent avec Taniguchi, l’histoire d’Hiroshi est celle d’un homme à la recherche de son identité, de ses racines. Il lui offre ici la possibilité de revenir sur les événements qui ont forgé sa vie d’homme et qui, sans s’en douter, l’ont fait marcher dans les pas de son père absent. Les thêmes abordés ici touchent tout le monde. Les souvenirs, les pardons, les rêves, les histoires de nos parents qui sculptent celles des générations suivantes… N’est-ce pas seulement en les découvrant une seconde fois qu’on peut vivre les évènements pleinement ? Que tenterions-nous de changer si nous pouvions revenir à une période cruciale de notre vie ? Mais est-ce que ce ne sont pas nos erreurs, nos doutes et nos pas de côtés qui font de nous ce que nous sommes ? Pourquoi ne pas prendre plutôt le parti de nous remettre en question, et peut-être, parfois, de nous accepter.
Au-delà du scénario fort de Quartier lointain, Taniguchi a l’incroyable faculté de nous embarquer avec ses personnages grâce à son travail qui est « celui d’un grand cinéaste armé d’un crayon et de papier » comme le décrit si bien Jaco Van Dormael dans la préface du livre. C’est une vraie plongée dans un monde en noir et blanc qui nous permet de découvrir le quotidien d’une famille au japon d’après-guerre.
Et si c’était ça, l’éternité, un simple ciel… Personne ne devient jamais adulte… L’enfant que nous avons été est toujours là, bien vivant, tout au fond de nous… Il est comme ce ciel… Avec le temps, nous croyons grandir… Mais la maturité n’est qu’un leurre, une entrave à notre âme libre d’enfant. En revivant mes 14 ans, j’avais l’impression de découvrir ce qui m’avait échappé jusqu’alors. (…)