Henri Loevenbruck

Editions J’ai Lu / 2015 / 384 pages
Providence, le grand nulle part. La bande d’Hugo, dit Bohem, s’englue dans un avenir opaque. Pour s’en affranchir, vivants et libres, ces rêveurs intrépides entreprennent une traversée du pays qui n’épargnera rien ni personne. Guidant leur devoir d’insoumission, trois valeurs tutélaires : loyauté, honneur et respect. Sur la route, Bohem et les siens feront l’expérience de la vie, splendide et décadente. A la fin du voyage, au bout de l’initiation, un horizon : la liberté.
Qu’on se le dise d’emblée, ce livre a été pour moi un coup de cœur immense et absolu. Voire un coup de foudre. Ou un coup de poing. Je me suis longuement demandé comment parler de cette histoire sans l’amoindrir. Comment trouver les mots qui rendraient justice à l’émotion qu’il dégage. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été happée comme ça par une histoire, par chaque personnage, par une quête si primaire qu’on veut porter avec nous les protagonistes pour les emmener le plus loin possible. J’ai espéré et souffert avec eux, me surprenant à oublier de respirer, parfois. Et j’ai pleuré, tellement.
Le style de Loevenbruck qui se veut dans ce roman au plus proche de ses personnages, peut surprendre au début du livre. Il faut même quelques pages de plus pour s’y faire. Mais par son aspect parlé, brut, familier, parfois rudimentaire dans les dialogues, il fait sens et permet d’entrer encore plus intensément dans l’atmosphère rustique de cette petite ville de l’Amérique profonde.
Ce livre se lit d’une traite. Comme un road movie au rythme effréné au long de paysages à couper le souffle. Bohem, le personnage principal, nous touche profondément, nous entraîne avec lui, nous range de son côté dès les premières lignes. Il se fait l’écho d’une génération perdue, à la recherche d’un sens à l’existence. Entre une mère absente, broyée par la perte injuste de sa fille, un père ouvrier violent et totalement insensible, il trouve une raison d’être grâce à la famille qu’il se choisit : d’autres garçons aussi perdus que lui et qui ne rêvent que d’une chose : partir et trouver leur propre liberté. Tout au long de notre lecture, on vit au rythme de ses rencontres, de ses espoirs, de ses souffrances, de ses déceptions… et on ne souhaite qu’une chose, violemment et ardemment, que sa quête aboutisse. Comme un appel de détresse pour la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.
Loevenbruck nous offre ici un roman hors catégorie, qui oblige le lecteur à ne pas lâcher le livre de la première à la dernière page. Et là encore, comme un dernier coup de poing, il parvient à surprendre, à faire exploser nos émotions.
Cette critique peut paraître dithyrambique mais c’est bien aussi de dire quand on aime. Et là j’ai aimé. Pleinement. En même temps, un écrivain qui cite Paul Eluard et Queen dans son roman était déjà plutôt bien parti.
A tous ceux qui ont la chance de ne pas avoir encore découvert cette pépite, courez-y. Faites-vous ce plaisir.
“Plus le temps passe, plus j’ai l’impression de voir nos libertés s’abîmer, comme un buisson auquel on fait rien que de couper les branches, “pour son bien”. J’ai le sentiment que, chaque jour, une nouvelle loi sort du chapeau d’un magicien drôlement sadique pour réglementer encore un peu plus nos toutes petites vies et mettre des sens interdits partout sur nos chemins. (…)”
Bohem