Armistead Maupin

Editions 10/18 / 1998 à 2015 / tomes 1 à 9
Les seventies sont sur le déclin, mais San Francisco, la fureur au cœur et au corps, vibre encore d’une énergie contestataire. La libération sexuelle est consommée et s’affiche dans les rues aux couleurs d’enseignes et de néons tapageurs. Tout droit venue de Cleveland, Mary Ann Singleton, vingt-cinq ans, emprunte pour la première fois les pentes du « beau volcan ». Elle plante son camp au 28 Barbary Lane, un refuge pour « chats errants ». Logeuse compréhensive et libérale, Mme Madrigal règne en matriarche sur le vieux bâtiment qui abrite une poignée de célibataires : Mona, rédactrice publicitaire, son colocataire Michael, chômeur et disciple de « l’amour interdit » et le beau Brian Hawkins, coureur de jupons insatiable.
Cette saga devrait faire partie, un jour ou l’autre, de nos livres de chevet. Irrémédiablement. On s’y plonge sans avoir envie de relever la tête. Aller simple direction San Francisco, Armistead Maupin nous fait aimer sa ville presque autant que lui et la découvrir sous mille facettes au fil des ans. Sur un fond d’histoires d’amitié, d’amour, de rebondissements rocambolesques, l’auteur nous offre une véritable fresque libérale des années 1970 à 2010 dans cette ville si détonnante dans l’Amérique conservatrice. Devenu un classique de la littérature gay, d’abord publiées dans des magazines en séries mensuelles, puis quotidiennes, les Chroniques de San Francisco ont connu un immense succès et ont été adaptées en série télévisée (à retrouver sur Netflix…même si selon moi l’adaptation ne rend pas justice au livre, mais ceci est une autre histoire).
Par son style léger mais précis, Maupin parvient à faire passer des messages fondamentaux et à pointer des sujets graves et sensibles tout en les enrobant d’un humour omniprésent. Homosexualité, transgenre, discordes familiales, ambition professionnelle, sida … nous sommes invités par l’auteur à vivre pleinement ces décennies si riches en changements du point de vue de multiples personnages extrêmement différents mais tous unis par cette ville à l’emprise presque mystique. Une des prouesses de l’auteur est de nous faire voyager durant 40 ans d’histoire, avec une multitude de références à la pop culture américaine, sans aucun anachronisme mais avec un attachement non dissimulé à des périodes définitivement révolues.
Elle était perdue dans une autre époque, où la solitude était belle et non aride, où les photos et les lettres d’amour et la voix mielleuse de Bing Crosby lui avaient permis de franchir l’hiver le plus rude de sa vie.
La série est constituée de 9 tomes, débutant dans les années 70 par la rencontre des personnages principaux et aboutissant avec affection – et en apothéose – au crépuscule des protagonistes emblématiques du livre. Entre les deux, de multiples histoires imbriquant de nombreux personnages plus charismatiques les uns que les autres, jonglant entre les amitiés, les relations familiales et les événements socio-politiques de l’époque. L’auteur n’a pas son pareil pour faire apparaître et disparaître des personnages utiles à ses héros, puis à les faire réapparaître auprès d’autres personnages de manière impromptue. Si l’on peut parfois déplorer certaines histoires parallèles aux personnages principaux un peu trop longues, nous sommes surtout conquis par l’atmosphère si particulière de cette ville mythique, aux parfums d’avant-garde et de liberté, et nous n’avons qu’une envie : courir découvrir les secrets cachés derrière la porte du 28 Barbary Lane et s’asseoir au soleil avec Anna, Michaël, Brian et les autres…
Prends un joint, trésor, et surtout ne te fatigue pas à le faire passer. J’ai horreur de ces baveux chipotages en commun ! Quitte à être dégénérée, autant le faire comme une lady, tu ne crois pas ?
Armistead Maupin ne cache pas les similitudes entre sa propre et vie et celle de l’un des personnages principal, Michaël “Mouse” Tolliver, ce qui apporte à ce dernier une profondeur particulière et nous le rend particulièrement attachant. Il exorcise à travers lui de nombreuses problématiques liées à son homosexualité, dont il est un activiste assumé depuis les années 70, étant l’un des premiers à écrire librement sur le sujet, même sous forme de suggestion, avec humour. Si dans les premiers tomes on devine encore de la retenue dans les descriptions et un peu de pudeur dans les détails, ce ne sera plus le cas dès le 7ème tome qui délivre des scènes torrides et des pratiques totalement libérées. A ne pas mettre entre des mains trop chastes… ou si !
Si cette saga ne fait pas encore partie de vos classiques, je ne peux que vous recommander de remédier à cela. Les livres d’Armistead Maupin apportent une légèreté et une ouverture d’esprit qui ne font pas de mal par les temps qui courent, et surtout une folle envie de vivre avec un grand V! A savourer sur un fond de Wham! ou Culture Club.
Les veuves et les divorcées sont moins… comment dit Mona, encore ? …. importunées. On nous importune moins que les célibataires. Je crois que tu as dû le découvrir par toi-même.
Importunée, moi ? Je n’ai même pas reçu le moindre petit coup de téléphone obscène depuis que je suis à San Francisco, cela me plairait d’être importunée un peu plus souvent.
La ville regorge de jeunes hommes charmants.
Charmants les uns envers les autres.
[…]
C’est vrai qu’il y a beaucoup de ça.