Les déracinés

Catherine Bardon

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Autriche, 1931. Lors d’une soirée où se réunissent artistes et intellectuels viennois, Wilhelm, jeune journaliste de 25 ans, a le coup de foudre pour Almah. Mais très vite la montée de l’antisémitisme vient assombrir leur histoire d’amour. Malgré un quotidien de plus en plus menaçant, le jeune couple attend 1939 pour se résoudre à l’exil. Un nouvel espoir avant la désillusion : ils seront arrêtés en Suisse. Consignés dans un camp de réfugiés, ils n’ont qu’un seul choix : faire partie des 100 000 Juifs attendus en République dominicaine après l’accord passé par le dictateur local Trujillo avec les autorités américaines. Loin des richesses de l’Autriche, la jungle sauvage et brûlante devient le décor de leur nouvelle vie. L’opportunité de se réinventer ?

C’est une épopée, une aventure comme on en vit peu, dont je ressors quelque peu sonnée après ma lecture des Déracinés. Un livre qui a le souffle des grandes sagas populaires qu’on ne quitte qu’à regrets, en gardant en tête que l’histoire n’est pas terminée et qu’on pourra retrouver nos émotions dans le prochain tome…

J’ai vécu une rencontre, dans l’Autriche de l’entre-deux guerres, un coup de foudre, des promenades légères au Prater et des discussions animées autour de cafés viennois. J’ai connu l’appréhension de rumeurs qui se rapprochent, de nuits d’angoisse, la peur des mauvaises rencontres et des jugements hâtifs, des départs et de ceux qui ne peuvent se faire. J’ai croisé des hommes remplis d’une humanité plus grande qu’eux-même et d’autres qui peuvent à peine se prétendre de la même espèce. J’ai appris comment survivre aux absences et aux regrets, au dégoût et à l’indéfinissable, comment avancer coûte que coûte. Et goûter au renouveau, aux douceurs de l’apaisement, aux découvertes et aux bonheurs simples.

L’ancienne Vienne, la ville tolérante et ouverte de mes jeunes années, la capitale cosmopolite de Zweig, n’était plus. La liberté d’expression n’y serait bientôt plus qu’un lointain souvenir. L’antisémitisme, chaque jour plus violent, se radicalisait. À croire qu’il était viscéralement ancré dans la mémoire collective de nos compatriotes.

Une espèce d’atavisme voulait que les vieux restent les gardiens du temple, tandis que les jeunes, porteurs d’avenir, allaient tenter leur chance sous des cieux plus bienveillants.

C’est avec une écriture fluide et facile d’accès, remplie d’informations historiques et d’anecdotes fascinantes, qu’on accompagne Wil, Almah et leurs proches dans cette recherche de liberté, aller simple vers la République dominicaine, sans escale possible ou presque, où les attend un nouveau départ dans tous les sens du terme. On sent à travers ses mots l’amour que porte l’auteure sur cette île du renouveau, dont l’histoire fait trop peu partie des livres dont on parle.

Hormis des changements un peu perturbants de narrateurs variant au gré des chapitres, et ceux consacrés aux carnets personnels de Wil qui sont un peu redondants et n’apportent pas grand chose au récit selon moi, j’ai adoré cette lecture touchante et prenante. La fin du roman est pour moi digne des meilleurs scénarios de films, vous savez, celles qu’on garde en mémoire longtemps…

Vivement la suite car l’épopée n’est pas terminée. Dans le second tome de cette trilogie, L’Américaine, on retrouvera Ruth, la fille d’Almah et Wil, indépendante et téméraire, en quête d’un nouveau départ qui promet de grandes émotions (et je dois dire que je m’en réjouis d’avance).

« Il faut se déraciner.

Couper l’arbre et en faire une croix, et ensuite, la porter tous les jours. »

Simone Weil .

Note : 4 sur 5.

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