En attendant Bojangles

Olivier Bourdeaut

Editions Gallimard / Collection Folio / 2017 / 176 pages

Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.

L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.

Je vous propose un roman dont la fulgurance vous laissera l’impression d’une grande bouffée de liberté. Aussi court que puissant, aussi léger qu’attendrissant, aussi loufoque que dramatique.  

C’est un roman que beaucoup connaissent déjà, qui a marqué les esprits et décroché à juste titre de nombreux prix littéraires. L’histoire d’un garçon qui raconte la sienne, au gré des carnets intimes de son père, ou plutôt celle de ses parents, fous d’amour, un jeune homme retraité pour ne pas quitter sa femme et la rediriger constamment et désespérément dans une mascarade de normalité qu’elle ignore, et cette même femme qui glisse peu à peu sur la planche de la folie qu’elle a empruntée depuis longtemps.  

On y croise 𝘔𝘢𝘥𝘦𝘮𝘰𝘪𝘴𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘚𝘶𝘱𝘦𝘳𝘧𝘦́𝘵𝘢𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦, une grue de Namibie qui déambule dans les couloirs, une Ordure sénatoriale, des fêtes mémorables, une pile de courrier délaissée, des histoire qu’on réinvente, un asile de fous attachants, un château en Espagne, des vrais et faux mensonges, un enfant qui apprend la vie dans les soirées de ses parents plutôt que dans l’école d’où on le retire, des danses éternelles, le 𝘉𝘰𝘫𝘢𝘯𝘨𝘭𝘦𝘴 de Nina Simone et surtout un amour infini.  

Puis elle me couvrait de baisers. Elle me picorait disait-elle, j’aimais beaucoup me faire picorer par elle. Chaque matin, après avoir reçu son prénom quotidien, elle me confiait un de ses gants en velours fraîchement parfumé pour que toute la journée sa main puisse me guider.

Si le ton du narrateur, enfant, paraît léger et insouciant, couvert par une poésie sans vergogne, le sujet glisse vers une gravité que les mots ne disent pas mais qui se ressent à chacune des phrases sous-entendues. On sait que la vie n’est pas faite que de danse et de prénoms qui fluctuent au gré des envies, des envolées à volonté ou de la liberté d’écrire dans le sens qui nous amuse. On le sait mais on l’élude, on le met de côté un petit moment, jusqu’à ce que la vie nous rattrape. Et c’est si bon.

J’ai été embarquée dès les premières phrases, retrouvant des sensations que j’avais découvertes avec 𝘓’𝘌𝘤𝘶𝘮𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 de Vian et qui reste une de mes lectures les plus marquantes. De la légèreté, des mots détournés mais utilisés pour ce qu’ils sont, et ce qu’il faut de folie à l’auteur pour nous embarquer dans son sillage loufoque et enfantin. Pourquoi s’embarrasser d’une réalité morne et rigoureuse quand on peut la réécrire pour prendre de la hauteur? Elle nous rattrape, la réalité. Toujours. Mais elle peut paraître plus douce à ceux qui laissent passer la lumière.  

Un immense coup de ♥️ 

J’allais pouvoir répondre à une question que je me posais tout le temps. Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?

Note : 5 sur 5.

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