Station Eleven

Emily St. John Mandel

Editions Rivages 2016 / Le Livre de Poche 2020/ 504 pages

« Profondément mélancolique, mais magnifiquement écrit et merveilleusement élégiaque ».

George R.R. Martin

Une grippe foudroyante qui extermine la quasi totalité de la population mondiale en quelques jours, ouvrant grand la porte à un monde post-apocalyptique où tout repart à zéro, la nostalgie du passé en prime. 

Une bonne idée de lire ce roman en ce moment? On peut se poser la question…. mais en fait ce roman est à lire. N’importe quand. Peut-être même encore plus en ces temps moroses. Il apporte une dose d’humanité si forte qu’on en ressort comme plus confiants en la vie. Si la perspective d’un tel avenir paraît terrifiant, Emily St. John Mandel réussit l’exploit de nous offrir un roman qui n’est jamais triste, ni pessimiste mais rempli d’espoir et d’un hommage à notre monde si beau, qui conservera sa splendeur même dans le chaos le plus total.

Un soir d’hiver à Toronto, Arthur Leander, un célèbre acteur de théâtre, meurt sur scène en interprétant le Roi Lear. Quelques heures plus tard, c’est le chaos et seule une infime partie des gens survivront à la grippe de Géorgie. Sur la route, cloîtrés dans un appartement ou isolés dans un aéroport, les rescapés ont tant bien que mal réussi à passer les années, faisant face aux souvenirs nostalgiques d’une époque définitivement révolue, les yeux tournés vers un avenir incertain mais rempli d’un espoir neuf. Au milieu du renouveau, des difficultés et du mal qui guette, la Symphonie itinérante, une troupe composée d’acteurs et de comédiens, renoue avec les réflexes ancestraux de la survie et parcourt les chemins pour jouer du Shakespeare, sur fond d’espoir et d’humanité. Kirsten, August, Dieter, Alexandra, la chef d’orchestre, ceux qui ont vécu les temps d’avant ou ceux qui tentent de se les imaginer. 

 » A certains moments, murmura Auguste, j’ai envie de me poser. Ça t’arrive d’y penser ?

– Ne plus voyager, tu veux dire ?

– Tu y penses, quelquefois ? Il doit bien exister une vie plus stable que celle-ci.

– Sûrement, mais dans quelle autre vie pourrais-je jouer du Shakespeare ? »

Construite en flash-backs qui suivent les destins des personnages pour les retrouver dans la trame principale 20 ans après la venue du virus, l’histoire merveilleusement écrite, est mise en parallèle avec un roman graphique visionnaire, Station Eleven, écrit par l’un des personnages et qui imagine un monde déchu. Une vraie mise en abîme hyper intelligente qui représente à mes yeux le cœur de l’histoire. On suit les destinées de certains personnages clés qui s’assemblent comme les pièces d’un puzzle, vivant à leurs côtés certains moments poignants mais sans jamais tomber dans le pathos. Jolie prouesse.

Ce roman de science-fiction (totalement abordable soit dit en passant à ceux qui sont effrayés par ce genre) est une vraie ode à la vie où l’art, comme un vestige du temps d’avant, retrouve enfin tout son sens, parce que survivre ne suffit pas, permettant d’élever les âmes et de les rassembler vers un futur de tous les possibles. Une histoire unique.

Il savait, depuis longtemps déjà, que les changements intervenus dans le monde étaient irréversibles, mais cette prise de conscience n’en jetait pas moins une lumière plus crue sur ses souvenirs. La dernière fois que j’ai mangé un cornet de glace dans un parc ensoleillé. La dernière fois que j’ai dansé dans une boîte de nuit. La dernière fois que j’ai vu un bus circuler. La dernière fois que je suis monté dans un avion qui n’avait pas été converti en habitation, un avion qui décollait vraiment. La dernière fois que j’ai mangé une orange.

Note : 4.5 sur 5.

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