Mathias Malzieu

Albin Michel / 2022 / 240 pages
Il aura fallu plus de six ans à Mathias Malzieu pour écrire ce « Guerrier de porcelaine », son roman le plus intime, où, alliant humour et poésie, il retrace l’enfance de son père et s’interroge sur les liens puissants de la filiation.
Quand l’histoire rencontre l’Histoire, c’est généralement un gage de réussite pour moi. Et quand cette histoire, c’est un Mathias Malzieu rempli d’un devoir de mémoire et de l’amour paternel qui la raconte…préparez-vous à la vivre avec vos tripes et votre cœur.
C’est en juin 1944 que l’on fait la rencontre de ce père. Mainou. Neuf ans alors. Il vient de perdre sa maman et sa presque sœur et, alors que la guerre fait rage, son papa l’envoie au-delà de la ligne de démarcation, caché dans une charrette à foin. Le temps que ça se tasse. Sa grand-mère vit dans une ferme en Lorraine avec son oncle Émile et sa tante Louise. Tous trois vont, à leur façon, permettre à Mainou de poser un pied, puis l’autre, dans cette nouvelle vie ou sa maman est disparue et son papa trop loin.
Se cacher ! Ne pas faire de bruit ! Descendre à la cave quand on entend les sirènes ! Connaître trois mots d’allemand au cas où…
Mais aussi un œuf de cigogne, l’imaginaire magnifique de l’oncle Émile, des poèmes écrits par un fantôme, une histoire d’amour, un hérisson, la libération et puis des souvenirs de sa mère. Plein.
– Il faut que tu trouves le bon dosage d’imagination ! dit l’Émile (…). Si tu inventes trop, tu risques de perdre le contact avec la réalité !
– Vu la gueule de la réalité, c’est pas forcément un problème…
– Si ! Justement ! Ton imagination doit te servir à la transformer, à la rendre meilleure, pas à la quitter. C’est comme le dosage d’une grenadine, tu vois.
Une histoire dans l’Histoire d’une douceur infinie, offerte comme un cadeau, comme pour dire merci à la vie malgré tout. L’optimisme dévorant qui s’échappe de l’auteur dans ses livres comme dans la vie est une vraie leçon. Ajoutez à cela cette plume unique à la Boris Vian, faite de poésie et de mots-valises, qui décrit encore mieux la réalité que de la vivre, et vous obtiendrez ce petit bijou. Façonné par un homme poétique comme j’aime à l’appeler (parce qu’il n’est ni auteur, ni chanteur, ni musicien, ni réalisateur, ni poète mais tout ça à la fois).
Vous l’aurez compris, c’est un coup de cœur que j’aimerais conseiller au monde entier, ou du moins à ceux qui aiment rêver et les jolis mots. J’ai eu l’immense chance de partager un moment privilégié avec @mathiasdionysos lors du @salondulivregeneve le week-end dernier et cela transforme évidemment ce livre en un objet à part. Précieux. Merci Mathias.
Parfois ton souvenir se décolore comme le font les photos avec le temps. Alors je t’écris, ça ralentit le processus de disparition. Tremper la plume dans l’encrier me donne l’impression d’être un capitaine de chalutier. Je rapetisse et embarque en moi-même. La cabine de pilotage se situe à l’intérieur du cœur. Ça fait un boucan émotionnel de tous les diables, mais je me retrouve. Je te retrouve. Enfin. J’imagine, je remonte le temps des souvenirs. Ils sont tellement usés qu’il m’arrive d’en inventer de nouveaux.
