Seul le silence

R.J. Ellory

Sonatine / Le Livre de Poche / 2008 / 608 pages

Plus encore qu’un roman de serial killer à la mécanique parfaite et au suspense constant, « Seul le silence » marque une date dans l’histoire du thriller.

Avec ce récit crépusculaire à la noirceur absolue, sans concession aucune, R. J.Ellory évoque autant William Styron que Norman Mailer par la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.

Attention immense coup de ♥️ 

Pour ce second roman de l’auteur après 𝘓𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘴𝘴𝘢𝘴𝘴𝘪𝘯 que j’avais lu l’année dernière en découvrant cet auteur avec beaucoup d’intérêt, le niveau est monté de plusieurs crans. J’avais déjà compris dans ma première lecture à quel point la sensibilité d’Ellory perforait mes émotions de manière tranchante, mais cette nouvelle lecture m’a profondément troublée. Si j’avais eu l’étrange sentiment d’une certaine proximité, comme une intimité, avec le personnage principal de ma lecture précédente, j’ai senti ici une réelle connexion.

Que dire de ce sublime roman paru en VO sous le titre 𝘈 𝘲𝘶𝘪𝘦𝘵 𝘣𝘦𝘭𝘪𝘦𝘧 𝘪𝘯 𝘢𝘯𝘨𝘦𝘭𝘴.  

Écrire peut servir à exorciser la peur et la haine ; ça peut être un moyen de surmonter les préjugés et la douleur. Au moins, si tu sais écrire, tu as une chance de t’exprimer… tu peux offrir tes pensées au monde, et même si personne ne les lit ou ne les comprend, elles ne sont plus piégées au fond de toi.

Nous y faisons la rencontre de Joseph Vaughan. Joseph qui naît dans les années 20 à Augusta Falls, petite ville de Géorgie comme il en existe tant dans le sud-est des Etats-Unis conservateurs du début du siècle. Après la mort subite de son père, il se retrouve seul avec sa mère, femme forte et intelligente.  

Puis c’est le début du cauchemar. Le corps d’une fillette assassinée sauvagement retrouvé au bord d’une route de cette petite ville sans histoire. Puis un autre. Puis… la série paraît interminable. Les doutes s’installent, le climat de la guerre fait la part belle aux raccourcis faciles et finalement les années passent. Les événements s’enchaînent. Mais les souvenirs restent. La violence aussi. On ne se défait jamais vraiment des traumatismes vécus durant l’enfance. Ils nous poursuivent inlassablement… même si on tente de les fuir pour se donner la chance d’une vie plus sereine. Peut-on réellement se libérer d’avoir vécu le pire?  Certains parviennent à avancer dans la vie en cadenassant des événements tragiques, d’autres ont besoin de réponses et d’une certaine absolution pour réussir à survivre.

C’avait été ma vie.

Une vie déroulée comme du fil, résistance incertaine, longueur inconnue ; se rompra-t-il abruptement ou continuera-t-il indéfiniment, reliant entre elles de nouvelles vies. Parfois du simple coton, à peine suffisant pour assembler les parties d’une chemise, parfois une corde-triplement tressée, chaque brin et chaque fibre goudronnés et tordus pour repousser eau, sang, sueur, larmes ; une corde pour dresser une grange, pour faire des nœuds d’arrêt et tirer un enfant presque noyé d’une inondation, pour ligoter un homme à un arbre et le battre pour ses crimes.

Une vie à retenir, ou à voir glisser entre des mains indifférentes et inattentives, mais toujours une vie. Et lorsqu’on nous en donne une, nous en souhaitons deux, ou trois, ou plus, oubliant si facilement que celle que nous avions a été gaspillée.

J’ai TOUT aimé. TOUT. J’ai dévoré ces 600 pages en apnée, me délectant de chaque mot, chaque scène, chaque retournement de situation. Au-delà de l’intrigue parfaitement construite, R. J. Ellory a un don pour créer des personnages si profonds que notre cœur ne peut que battre pour eux le temps de notre court passage à leurs côtés. L’atmosphère est si précise, le cadre tellement détaillé qu’on peut presque respirer la poussière qui émane de ces plaines américaines désertiques, se retrouver au milieu d’une avenue new-yorkaise ou sentir l’odeur d’une maison qui brûle devant nos yeux…

Vous l’aurez compris je suis totalement sous le charme de la plume si sensible d’Ellory que j’ai décidé de lire absolument tout ce qu’il coucherait sur une feuille de papier. ABE.

Nous ne sommes plus à l’Age des Ténèbres. Nous ne sommes pas des ignorants. Adolf Hitler est un blanc, tout comme Genghis Khan était mongol et Caligula romain. Ce n’est pas une question de nationalité, ni de couleur, ni de religion…c’est à chaque fois juste une question d’homme.

Note : 5 sur 5.

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