Pete Fromm

Editions Gallmeister / Totem / 2022/ 320 pages
Le Chinook est un vent qui balaye ce Montana rural de ranchs et de petites villes, toile de fond des nouvelles de Pete Fromm qui nous parlent de vies de famille comme de solitude, d’amour et de fidélité, d’engagement ou d’héroïsme. À travers les portraits de gens simples se dessine le tableau tout en finesse des existences fragiles qui peuplent cet Ouest américain. La prouesse singulière de Pete Fromm est de révéler combien ces gens ordinaires sont dans leur humanité bien plus grands qu’il n’y paraît, donnant ainsi davantage de profondeur à nos propres existences.
Je lis peu de nouvelles. J’aime les romans fleuves qui nous emmènent des heures durant, nous font vivre des torrents d’émotions et qu’on ne lâche qu’à regret après s’être attachés aux personnages.
Mais voilà que Pete Fromm arrive avec ce recueil de 16 nouvelles (quand même) qui ne font pas plus de 20, 30 pages, et qui parvient, avec son talent fou, à nous faire passer par tous les sentiments d’un grand roman.
Il utilise pour nous embarquer un vecteur tout indiqué. Le Chinook, ce vent qui ne souffle en hiver que dans les plaines glacées du Montana si cher au cœur de l’auteur. Un vent au caractère si fort qu’il peut faire passer l’air de -25• à 15• faisant fondre toute la neige sur son passage et inonder les routes, comme « un souffle d’été au milieu de l’hiver », une parenthèse qui laisse entrevoir ce que cache la nature au creux d’elle-même avant de se refermer.
On a perdu tant de temps qu’on n’a plus le temps de passer du temps à s’inquiéter de savoir si le moment est bien choisi.
Pete Fromm laisse donc souffler le Chinook sur les habitants du Montana, dévoilant ainsi leurs fragilités sous la couche de rudesse nécessaire à survivre dans un monde hostile. Parlons-en de ce monde! La nature, si présente dans l’œuvre de l’auteur, est ici magnifiée et au service de l’histoire, de ces histoires d’hommes et de femmes qui nous laissent entrouvrir la porte de leur vie. L’amour, la solitude, la famille… autant de thèmes qui peuvent être emprunts de douceur comme dévastateurs. Avec leurs failles, leurs questionnements, parfois des croisées de chemins ou des choix qui s’imposent… des gens ordinaires qui montrent tous des forces et des fragilités qui en font des gens extraordinaires.
Le format de la nouvelle ne laisse pas le choix : il faut immédiatement capter le lecteur, construire des personnages et un contexte efficaces, offrir des descriptions précises sans traîner en longueur… et personne d’autre que Pete Fromm, à mes yeux et selon mon cœur, n’est capable de nous embarquer dans une telle bourrasque d’émotions.
Là-haut, la neige ensevelissait tout et quand le vent tombait, le silence devenait à nul autre pareil. Peut-être l’avenir ressemblait-il à cela, le silence seulement brisé par des moments qu’il n’aurait jamais cru devoir espérer un jour.