R. J. Ellory

Le Livre de Poche / 2017 / 512 pages
Je me demande ce qu’est la vie, ce qu’elle signifie. Peut-être n’est-elle rien de plus qu’une histoire, une histoire chaque fois différente et rare, racontée avec une voix propre. Certaines vies sont riches et grisantes, des odyssées narrées avec une telle ferveur et une telle passion qu’on se perd dans la langue du récit
Daniel Ford attend depuis longtemps. Depuis cette nuit de 1970. Seul dans sa cellule, il sait que la date se rapproche et les souvenirs affluent. Il les accueille et leur emboîte le pas tout en nous proposant de l’accompagner dans ce voyage. Le dernier.
Son récit remonte en 1952, à son enfance en Caroline du Sud, dans une petite ville où tout le monde se connaît et où les préjugés ne sont pas pire ou plus indulgents qu’ailleurs dans l’Amérique de ce temps là. C’est durant cet été que Daniel rencontre Nathan Verney, fils du pasteur baptiste noir de la ville. Celui qui deviendra son copain, son double, son mentor, son ami. Ensemble ils avancent dans la vie et dans une Histoire en plein mouvement qui connaîtra en quelques années plus de crises et d’événements politiques qu’ils ne pourront en compter. Ils grandiront dans une Amérique des sixties en plein combat pour les droits civiques et qui perdra son âme au Vietnam, une Amérique qui se construit, se questionne, avance mais recule aussi. Ensemble. Jusqu’à cette nuit tragique.
Quatre fois j’ai été trahi – deux fois par des femmes, une fois par le meilleur ami qu’un homme puisse désirer, et finalement par une nation. Et peut-être, à vrai dire, me suis-je trahi moi-même. Alors, ça fait cinq.
Mais malgré tout, malgré tout ce qui s’est passé à l’époque, et tout ce qui se passe maintenant, ça a tout de même été magique.
Absolument magique.
Je m’en souviens avec une clarté et une simplicité qui même moi me surprennent. Les noms, les visages, les sons, les odeurs.
Tout.
Ça semble presque bizarre de se rappeler les choses avec une telle netteté, mais bon, ça tient peut-être à ma situation présente.
Mettez un homme face à la fin de sa vie, placez-le dans un endroit comme le couloir de la mort, et peut-être que Dieu lui accordera une petite grâce.
La grâce du souvenir.
Ce n’est un secret pour personne, depuis que j’ai découvert R.J. Ellory je suis totalement conquise par chacun de ses romans. On retrouve souvent des âmes tourmentées, pures, qui racontent des destins tragiques et uniques. 𝘗𝘢𝘱𝘪𝘭𝘭𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘯𝘶𝘪𝘵 ne fait pas exception à la règle. C’est le premier roman de l’auteur et j’avais vraiment hâte de le découvrir!
Si les souvenirs de Daniel nous emmènent depuis son enfance jusqu’à la nuit du drame de manière romancée et extrêmement prenante -très riche historiquement parlant -, j’ai été percutée par les instants qu’il relate en prison durant les derniers temps de sa détention. Le sujet de la peine de mort est décrit avec une telle intensité qu’on est parfois au bord de la nausée et qu’on a l’impression de ressentir les émotions qui le traversent, tant de violence et d’indécence envers des hommes qui sont réduits à ne plus vraiment en être. Un véritable réquisitoire contre l’obscurantisme et les droits civiques pour lesquels le combat ne cesse de se renouveler.
On est totalement absorbé par ce roman profond dont le rythme ne s’essouffle jamais et on s’attache au personnage de Daniel, par sa mélancolie, presque instantanément. Recouvrez tout ça d’une couche historique recherchée et palpitante, saupoudrez d’un twist final totalement maitrisé et la recette est parfaite.
Le papillon est fier d’être si coloré et gracieux, de déployer ses ailes au soleil. Le papillon de nuit, en revanche, son parent le plus proche, est une créature nocturne. Il n’a pas la beauté d’un papillon, mais il ne le voit pas… et surtout, les gens ne le voient pas parce que c’est un animal essentiellement nocturne. Et les papillons de nuit sont attirés par la lumière car ils veulent être vus, ils veulent que leur beauté magique soit reconnue.