L’Enigme de la chambre 622

Joël Dicker

Editions de Fallois / 2020 / 574 pages

Une nuit de décembre, un meurtre a lieu au Palace de Verbier, dans les Alpes suisses. L’enquête de police n’aboutira jamais.

Des années plus tard, au début de l’été 2018, lorsqu’un écrivain se rend dans ce même hôtel pour y passer des vacances, il est loin d’imaginer qu’il va se retrouver plongé dans cette affaire.

Que s’est-il passé dans la chambre 622 du Palace de Verbier ?

Quel plaisir j’ai eu à retrouver Joël Dicker. Je dis retrouver parce que, moi qui avais, comme tant d’autres, adoré découvrir sa plume dans La vérité sur l’affaire Harry Québert et, même encore plus, dans Le Livre des Baltimore, j’avais l’impression de l’avoir quelque peu perdu de vue dans son dernier roman, La disparition de Stephanie Mailer, un polar sans profondeur et dans lequel je n’avais pas réussi à monter dans le train qu’il voulait nous faire prendre.

On rencontre ici des personnages hauts en couleur, avec des personnalités riches et profondes. Qu’elles déploient un charme ravageur, une simplicité maladroite un peu touchante, une force de caractère imposante ou encore une emprise menaçante sur les autres, elles sont toutes construites avec finesse, jusqu’au choix de leurs patronymes étonnants – Macaire Ebezner, Sinior Tarnogol, Lev Levovitch, Monsieur Rose – mais jamais attribués par hasard.

L’intrigue, un jeune auteur, Joël, en mal d’amour et d’écriture qui se retrouve à enquêter aux côtés d’une jeune femme fraîchement rencontrée sur une mystérieuse mort ayant eu lieu quelques temps plus tôt dans une chambre d’un palace de Verbier, se déroule intégralement en Suisse. Entre Genève, la place financière et aisée du bout du lac, ses grandes banques privées, ses hôtels particuliers et ses grandes villas hors de prix, et Verbier, station cotée située dans les alpes valaisannes, on navigue avec plaisir avec les enquêteurs, suivant avec eux le fil des évènements ayant conduit à cette nuit tragique. C’est avec un plaisir particulier que j’ai suivi les pas des personnages dans ces rues si souvent jalonnées, dans ces lieux que je connais si bien. Et je suis certaine que tous les genevois ressentiront ce petit « plus » quand ils se plongeront dans l’atmosphère de leur ville, pour laquelle on ressent l’affection particulière que l’auteur lui voue et lui confie dans ses pages.

Parallèlement à l’intrigue principale, distillé avec tendresse tout au long des pages, on assiste à l’émouvant hommage que Joël Dicker rend à son éditeur et ami disparu, Bernard de Fallois. Celui qui a cru en lui, qui l’a accompagné depuis son premier succès dont il peut se vanter d’être l’initiateur, ayant presque dû forcer la main au jeune auteur qui ne croyait plus en lui. On ressent l’émotion intense et encore très présente chez l’auteur de la perte d’un ami, d’un père spirituel, et le besoin de poser des mots, indélébiles, sur l’importance de cette rencontre et de l’impact qu’elle aura eu sur l’homme et l’écrivain.

Bernard était de ces grands hommes d’un autre siècle, faits dans un bois qui n’existe plus aujourd’hui. Dans la forêt des êtres humains, il était un arbre plus beau, plus fort, plus grand. Une essence unique, qui ne repoussera plus. (…) Je racontai combien nous avions été heureux, Bernard et moi. Lui qui fut mon éditeur, mon maître et mon ami.

Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est la grande capacité de l’auteur à jongler entre les scènes, les lieux et les époques, permettant de rendre l’histoire plus captivante encore. Passant habilement, et jamais sans raison, d’une sphère à une autre, s’arrêtant juste quand il faut pour ne pas trop en dire et garder avec subtilité une suspense calculé pour la scène suivante, comme dans une pièce de théâtre. La tension est palpable, on veut en savoir plus, et on dévore les chapitres, inlassablement.

Les rebondissements s’enchaînent, et même si je vous confesse avoir mis une petite centaine de pages à entrer vraiment pleinement dans l’histoire, je ne l’ai ensuite plus lâchée, attendant avec impatience le dénouement final, et je n’ai clairement pas été déçue. Les cartes tombent et les masques se lèvent, les uns après les autres, magistralement.

C’est donc pour moi un très bon nouveau roman de Joël Dicker, qui s’insère dans la lignée de ses premiers succès, intrigues menées par un écrivain, décidément son créneau, créant une subtile confusion entre le personnage de « l’Ecrivain » et sa vraie personnalité, ajoutant un climat d’intimité qui n’est pas pour déplaire.

La vie est un roman dont on sait déjà comment il se termine : à la fin, le héros meurt. Le plus important n’est donc pas comment notre histoire s’achève, mais comment nous en remplissons les pages. Car la vie, comme un roman, doit être une aventure. Et les aventures, ce sont les vacances de la vie.

Note : 4 sur 5.

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