
En panne d’idées lecture pour cet été ?
Vacances confinées obligent – ou presque – je vous propose ici un choix de quelques romans (lus et approuvés) qui vous feront partir en voyage sans quitter votre canapé. Des longues trilogies aux milliers de pages aux romans one shot plus vite lus, peut-être trouverez-vous votre bonheur dans ces romans qui nous font définitivement tomber amoureux d’autres cultures et nous donnent des envies d’ailleurs…
Parés au départ ?
Le goût du bonheur
Marie Laberge / Editions Pocket / 2007 / 2976 pages (trois tomes)

Je vous propose de vous envoler pour le Québec aux côtés de ce merveilleux écrivain qu’est Marie Laberge.
Bienvenue chez les Miller au début des années 1930, une famille nombreuse de Québec. Avec leurs cinq enfants, Edward et Gabrielle forment un couple idyllique, magnifique, mariés par amour et parents modèles. C’est leur histoire et celle des générations suivantes qu’on découvre au fil des pages, entre le quotidien dans la ville de Québec et les vacances sur l’île d’Orléans, sur fonds de toile historique d’un pays qu’on connait trop peu. La condition de la femme est dépeinte sans complaisance, entre carcan religieux et pleins pouvoirs accordés aux maris.
Le grand plus de cette saga : les personnages ultra attachants, bien décidés à bousculer les conventions étriquées de l’époque. Si le premier tome est centré sur la charismatique mère de famille, on s’attarde dans le deuxième volume – qui commence en 1942 – sur la vie d’Adélaïde, sa fille aînée, dont la force de caractère n’a d’égal que son goût du romanesque et de la liberté. Puis c’est la vie de Florent, l’ami fidèle, tendre et sensible, qui est au cœur du troisième tome, plaçant chaque protagoniste face à ses choix pour tenter d’accéder à une forme de sérénité.
Un roman fleuve qu’on ne lâche que pour se jeter sur le tome suivant. Remplie de vie, de bons et moins bons sentiments, de drames terribles, de joies indescriptible, une histoire décrivant à merveille sur plusieurs décennies la division entre les différentes couches sociales ou familiales, abordant des sujets modernes mais intemporels. Et, surtout, de l’amour. Avec ceux qui y survivent et ceux qui en paient le prix.
Cerise sur le gâteau (ou le sundae), l’écriture est truffée de la langue de la belle province (un lexique – indispensable – est disponible à la fin du livre) ajoutant du pittoresque et nous faisant tomber en amour de ce merveilleux pays.
La Trilogie écossaise
Peter May / Editions Actes Sur / Babel Noir/ 2011-2013-2014 / 1184 pages (3 tomes)

Si vous êtes plutôt attirés par les grandes plaines brumeuses, les moutons et l’atmosphère des îles anglo-saxonnes battues par les vents, plongez-vous les yeux fermés dans l’incroyable trilogie écossaise de Peter May.
Ces polars remarquables sont tenus en haleine par l’inspecteur Fin MacLeod, inspecteur à la police d’Édimbourg, endeuillé par la perte récente de son jeune fils. Il revient, pour les besoins d’une enquête, sur l’île de Lewis qui l’a vue naître et grandir. Parallèlement à ses investigations, c’est un retour dans le temps qui l’attend en retrouvant les acteurs de son passé, ses amours et ses tragédies, et déterre des secrets bien enfouis, prix à payer pour atteindre l’apaisement. Au cœur de l’intrigue du premier tome on découvre la tradition ancestrale des hommes de l’île qui partent chaque année à la chasse aux gugas, bébés Fous de Bassan, assimilée à un rite de passage qui soude toute une communauté.
On retrouve dans L’Homme de Lewis notre inspecteur à la croisée des chemins, revenu définitivement sur l’île de sa jeunesse, confronté à une nouvelle enquête qui ravivera certaines douleurs de son passé. C’est l’occasion ici de se pencher sur une face sombre de l’histoire écossaise et le sort que la société réservait pendant des décennies aux « homers », enfants orphelins ou abandonnés envoyés par l’Eglise catholique sur les îles Hébrides. Dans l’opus final de la trilogie, Le Braconnier du Lac perdu, c’est une enquête encore plus personnelle qui attend MacLeod, plus que jamais confrontés à ses démons enfouis et face à ses choix, sur fond de tempêtes et de nature dévastatrice.
Des descriptions incroyables sublimées par une écriture très poétique et contemplative. Les paysages, à la fois hostiles et majestueux, créent à eux seuls une trame sur laquelle la valse des sentiments très forts des personnage vient danser. Alternant passé et présent, ces romans permettent une vraie plongée dans les âmes des hommes et ces femmes de ces îles du bout du monde, tout en nous proposant des intrigues captivantes et très bien menées.
La Tresse
Laetitia Colombiani / Editions Le Livre de Poche / 2018 / 240 pages

Trois destinations réunies en un seul roman : l’Inde, le Canada et l’Italie.
Ce roman qu’on ne présente plus, nous raconte les chemins qu’empruntent trois femmes pour se battre et refuser le sort qui leur est destiné. Liées sans le savoir par un lien intime, comme les trois brins d’une tresse, leurs histoires tissent un message d’espoir et de solidarité.
C’est Smita, une mère Dalit (Intouchable) indienne, qui refuse que sa petite fille subissent le même sort qu’elle : vider les latrines, jour après jour. Avec son mari ils décident de réunir leurs économies pour lui permettre de s’instruire, mais les traditions ont la dent dure. Pas autant que Smita, qui décide de prendre en mains son destin ainsi que celui de sa fille.
C’est Giulia, jeune sicilienne qui travaille dans l’entreprise familiale qui fabrique des perruques. Elle se rend un jour compte que les affaires ne marchent plus. Qu’il faut bousculer les choses. Sa rencontre avec Kamal, un jeune indien Sikh, va lui permettre d’envisager un futur plus serein.
C’est Sarah, une ambitieuse avocate installée à Montréal. Si préoccupée par son ascension professionnelle qu’elle en oublie sa propre vie, jusqu’au jour où son corps lui rappelle qu’elle doit revoir ses priorités et envisager la vie d’une autre façon.
Un court roman très juste, qui pique au coeur, dont la subtile écriture de Laetitia Colombiani valse habilement entre les trois femmes, trois continents, si éloignés dans leur géographie ou leur culture, mais qui vont se fondre en un. Un ode à la liberté. A toutes les femmes.
Les enfants de Venise
Luca Di Fulvio / Editions Slatkine & Cie / 2017 / 800 pages

C’est cette fois-ci un voyage dans le temps et dans l’Italie des Médicis que je vous propose.
Luca di Fulvio a pour moi le plus merveilleux des talents : c’est un conteur. Il a l’incroyable faculté de créer des personnages aux personnalités si attachantes qu’on pense encore à eux longtemps après avoir tourné la dernière page de ses livres. Livres qu’on dévore d’un bout à l’autre sans avoir pourtant envie qu’ils se terminent. Après avoir suivi les aventures de Christmas avec passion dans Le Gang des rêves, c’est aux côtés de Mercurio et de ses amis que nous partons cette fois, direction Venise.
Porté par un souffle de vie sans égal, le jeune orphelin Mercurio, sorte d’Arsène Lupin du XVIème siècle au coeur aussi grand que sa malice, gamin des rues aux côtés de ses amis Benedetta et Zolfo, rêve d’une vie nouvelle. C’est peut-être à Venise qu’elle se trouve, mais la route est longue. Elle l’est aussi pour la jeune Giuditta et son père au passé trouble, en quête d’une sorte de liberté qu’on accorderait aux Juifs, paraît-il, dans la cité des amoureux. On est ici du côté des parias, des enfants des rues, des proies de l’inquisition toujours à l’affut, des prostituées rongées par la syphilis… l’auteur ne dépeint pas une Italie polie et lisse. Son Italie est vivante, vibrante, sombre et lumineuse. Elle est porteuse d’amour et de haine, de violence et d’espoir. Mercurio, et Giuditta, superbes, Roméo et Juliette de leur temps, nous font vivre une histoire d’amour sans égal, portée par l’urgence et la passion.
Un vrai roman d’aventure, d’émancipation et d’amour, au rythme parfaitement maîtrisé, sans longueurs et avec un aboutissement réussi, le message insufflé par l’auteur faisant tomber toutes les murailles. N’ayez pas peur de ses 800 pages, on ne s’ennuie pas une seconde et, arrivés à la fin on en reprendrait même bien encore un peu.
L’ombre du vent
Carlos Luis Zafón / Editions Pocket / 2013 / 672 pages

Aller simple pour l’Espagne, la Catalogne et sa capitale : Barcelone.
Le grand écrivain Carlos Ruiz Zafón, tristement disparu cette année, nous offre ici une de ses plus belles oeuvre. Le premier opus de sa trilogie Le Cimetière des livres oubliés nous fait vivre une histoire merveilleuses – à la limite du conte – dans la Barcelone de 1945, marquée par la guerre civile où la vie est difficile et où les haines rodent en silence.
Le jeune Daniel Sempere, orphelin de mère, se voit un jour emmené par son père dans un quartier gothique de la ville : le cimetière des livres oubliés. Selon la tradition, son père lui demande d’adopter un livre. Le livre oublié qui lui est destiné et dont il devra prendre soin sa vie durant. Ce livre c’est L’Ombre du vent, de l’énigmatique Julian Carax, qui le marquera à jamais, l’entraînant dans un labyrinthe de secrets et d’aventures, mettant sur sa route de nombreuses rencontres marquantes et enrichissantes. On suit les péripéties, parfois rocambolesques, de ces personnages qui s’entremêlent et qui sont en quête de vérités, à travers une Barcelone plus mystérieuse que jamais.
L’auteur transmet dans son écriture incroyable son amour pour sa ville, son architecture, son histoire, son amour pour les livres anciens, pour les gens qui aiment les livres, et rien n’est superflu. Dans l’édition de poche, on peut lire « Si vous avez le malheur de lire les trois premières pages de ce roman, vous n’avez aucune chance de lui échapper ». Vous voici prévenus.
22/11/63
Stephen King / Editions Albin Michel / 2013 / 944 pages

L’Amérique des Kennedy, d’Elvis et de Martin Luther King. Le tout porté par le maître de la littérature américaine, c’est forcément une réussite.
Habitué aux romans d’horreur, Stephen King nous offre ici une oeuvre à part, intense, remplie d’émotions, de crédibilité, une plongée passionnante et détaillée dans les Etats-Unis des années 50 et 60. Un roman d’ampleur par sa taille (944 pages quand même) et son sujet.
Imaginez que vous puissiez remonter l’Histoire et en changer le cours. Surtout quand un ami mourant vous en fait la requête : empêcher Lee Harvey Oswald d’assassiner Kennedy. Jake Epping, un professeur d’anglais sans histoire, se lance dans une longue quête qui le mènera en 1958 et lui permettra de vivre de près les années précédent l’un des événements les plus marquants de l’histoire des Etats-Unis. Tout en essayant de remonter le fil de ces événements tragiques, Jake va vivre une « deuxième vie » à une époque où il n’était pas né, en nous faisant vivre par procuration une histoire d’amour follement romantique en rencontrant son âme sœur, Sadie Dunhil, une jeune bibliothécaire au passé sentimental désastreux.
On lit de manière avide et passionnée ce roman qui s’apparente à de la science-fiction (juste ce qu’il faut), qui respire l’intensité et touche en plein cœur. C’est pour moi l’une des œuvres du King les plus abouties, et cela restera pour moi une lecture inoubliable. J’en remonterais bien le temps pour pouvoir le découvrir à nouveau…
Summer
Monica Sabolo / Editions JC Lattès / 2017 / 320 pages

Retour sur nos rives suisses pour un histoire hypnotisante entre thriller et récit poétique aux notes magnétiques et sensuelles.
Vingt-cinq ans après la mystérieuse disparition de sa soeur Summer, dix-neuf ans, lors d’un pique-nique au bord du Lac Léman, Benjamin est submergé par le souvenir. Jeune fille blonde, jambes longues et fines, spectrale et gracieuse, elle vient réveiller les secrets enfouis d’une famille figée dans le vernis du silence et des apparences. Benjamin, qui ne s’est jamais remis de la disparition subite de sa soeur, si parfaite et sublime adorée de tous, a pris le chemin d’une fuite en avant pour échapper à la violence de son passé. Il tentera d’en résoudre les mystères tout en cherchant à travers eux à percer ceux de la psyché humaine.
La qualité de l’écriture de Monica Sabolo est détonante, elle réussit à décrire avec lenteur mais justesse, de manière implacable, les stigmates d’une famille renfermée sur ses secrets, le silence et les non-dits, la justification des apparences… Un drame familial émouvant, magnifié par des images poétiques et symboliques permettant de multiplier les émotions qui s’en dégagent.
Comment vit-on avec les fantômes?