Bleu Calypso

Charles Aubert

Editions Pocket (Slatkine & Cie) / 2020/ 336 pages

Niels Hogan, quarantenaire bourru, a rompu les amarres. Profitant d’un plan social, il s’est installé – comme l’auteur – dans une cabane de pêcheurs au sud de Montpellier, où il vit de sa nouvelle activité d’artisan : il fabrique des leurres pour la pêche au bar.

La vie simple, la douceur du temps, l’ermite n’a qu’un ami, son voisin, Vieux Bob, lui aussi en rupture, qui attend la visite de Lizzie, sa fille, journaliste.

A l’occasion d’une partie de pêche, Niels découvre un cadavre. C’est le premier d’une longue liste de noyés. D’abord suspecté, Niels remonte l’enquête avec Lizzie.

J’ai commencé la sélection des deux livres français du Prix Nouvelles Voix du Polar par ce premier roman de Charles Aubert, ancien commercial qui a décidé de changer de vie de façon radicale pour s’installer avec sa famille dans le Sud, au bord d’un étang où il a choisi de vivre à son rythme. On a un peu l’impression de faire sa rencontre en lisant ce polar où le principal personnage a emprunté le même virage. Et ça fait du bien. Ça nous fait rêver un peu et nous fait croire que c’est possible d’échapper à la cadence infernale du quotidien qu’on s’impose. Le tout saupoudré d’un peu d’accent du Sud.

Moi, j’étais le type qui vivait en marge de la société, ivre de liberté et de soleil, celui qui s’était débarrassé de ses chaînes et je voyais bien que ça les faisait disjoncter. Parler cinq minutes avec moi remettait en cause trop de choses, trop de choix contraints, trop de mensonges faits à soi-même. 

Vous aimez les polar sanglants, au langage cru et acéré et à la tension palpable au fil des pages ? Alors ce roman n’est pas pour vous.

Charles Aubert nous offre ici un livre assez surprenant, empli d’humour, de tendresse et d’ironie teintée d’acide. Si on est plongé dans une enquête policière suite à la découverte de plusieurs cadavres dans un étang, c’est pour moi plutôt comme une trame de fond sur laquelle le sujet principal, la reconquête de soi, prend le dessus. Une réconciliation avec la nature, au gré d’une partie de pêche, dans un environnement paisible et authentique. Voilà ce que nous propose l’auteur, tout en gardant un rythme plutôt dynamique et soutenu, grâce notamment aux personnages bien ficelés et à leurs caractères affirmés.

On rencontre ainsi Niels, quarantenaire désabusé qui a fui le tumulte de la ville et son rythme oppressant suite à des déceptions qui l’ont poussé à se reclure dans une cabane de pêcheur dans le Sud et à se consacrer à sa passion, la pêche aux leurres, et à la fabrication de ces derniers pour laquelle il est plutôt doué. Il y côtoie son seul voisin et ami, Vieux-Bob, aussi taciturne que lui, venu lui aussi se réfugier dans une nature paisible et sans jugement. Mais c’est sans compter la fille de ce dernier, Lizzie, journaliste free-lance avec qui il vient de renouer, et qui débarque avec ses baskets bien ancrées dans le sol et son caractère à faire trembler les bateaux amarrés, et à réchauffer les cœurs asséchés par l’amertume. Bien décidée à démêler le vrai du faux, elle emporte tout sur son passage, y compris notre discret pêcheur qui s’est fait bien vite ferré par cette jolie blonde. Les personnages secondaires, comme le flic Malkovitch, ou Luc, le petit ami incroyablement niais, sont de leur côté assez clichés et moins intéressants, mais apportent néanmoins une touche sympathique au décor.

Si l’intrigue est plutôt bien amenée, elle reste plutôt légère, les réponses aux questions posées ne sont pas d’une grande surprise et on comprend assez vite où l’auteur veut nous emmener. L’intérêt de ce polar réside pour moi dans la personnalité du personnage principal, son cheminement personnel et sa vision acerbe de la société dans laquelle on vit, transcrite par une écriture fluide et remplie de métaphores originales, malgré quelques lieux communs. Petite touche supplémentaire : on sent que l’auteur, comme son personnage, est sensible à la culture japonaise, et nous offre, au début de chaque chapitre, des haikus assez sublimes (petits poèmes japonais écrits sur trois lignes, sensés capturer l’instant présent dans ce qu’il a de singulier et d’éphémère).

En attendant le second tome de cette trilogie, Rouge Tango, dont l’évocation dans l’épilogue titille notre curiosité, on a assez envie en reposant ce livre de s’évader un peu au gré du vent du Sud, de se laisser porter par les flots sur un bateau de pêche en devenant adepte de la technique du catch and release, tout en gardant un maximum des bonnes ondes infligées par notre lecture.

L’étang devant moi était devenu bleu outremer avec de profonds reflets mauves. J’aimais beaucoup les couleurs saturées qui arrivaient avec l’orage. C’était comme si la vie gagnait soudain en intensité. De mémoire, il n’y avait que l’orage et l’amour pour donner cette sensation-là. Mais je n’étais plus vraiment sûr en ce qui concerne l’amour.

Note : 3 sur 5.

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