Le Démon de la Colline aux Loups

Dimitri Rouchon-Borie

Editions Le Tripode / 2021 / 237 pages

Un homme se retrouve en prison. Brutalisé dans sa mémoire et dans sa chair, il décide avant de mourir de nous livrer le récit de son destin.

Le narrateur, l’enfant, celui qui raconte son histoire avec ses mots du fond de sa cellule, nous emmène avec lui pour replonger dans les premières lueurs de sa vie. Lueurs sombres et limitées au Nid qu’il partage avec ses frères et sœur dont il ignore le nom – comme le sien, identités inexistante car personne ne les appelle – mais avec qui il crée un lien indispensable, animal, pour survivre à la violence d’une enfance sans compassion, sans raison d’être.  

L’enfant découvre son prénom, sa raison d’exister – protéger les autres de ce qu’il n’a pas pu éviter pour lui-même – mais aussi l’existence du Démon qu’il n’a pas pu empêcher de l’envahir, et continue à nous entraîner à ses côtés sur un chemin tracé d’avance qui ne laisse aucun échappatoire possible. Malgré les vaines tentatives de la vie pour détourner le regard du Démon, l’issue déterminée d’avance ne peut être contournée et suit fatalement sa route.  

Un psychologue est arrivé je me souviens il avait fait des tests je devais ranger des dessins pour faire des histoires et raconter ce que m’inspiraient des taches d’encre je ne comprenais pas son charabia. Il m’avait dit l’important n’est pas que vous compreniez mais que moi je puisse en retirer quelque chose et j’avais dit bon courage. J’aurais dû me méfier il disait des choses pénibles sur ma construction de personnalité et que je serai psychopathique et que mon niveau de langage était faible je l’ai interrompu mais on ne m’a pas laissé dire. Quand j’ai pu avoir mon tour j’ai dit que j’avais un parlement qui n’était pas celui des gens et que je sentais bien que mes idées allaient plus loin que mes mots j’avais l’impression d’un type qui a la tête infatigable alors que ses jambes supportent pas le voyage.

Quand on découvre le texte, on retient sa respiration dès les premières lignes, pour souffler, enfin, en refermant le livre qu’on éloigne un peu de nous. Entre deux c’est la nausée. Mais aussi une claque d’innocence si entière qu’elle nous permet d’entrevoir la pureté de l’âme lorsqu’elle n’est souillée par aucun compromis, telle qu’elle est à la seconde de sa venue sur terre.  

L’écriture de Dimitri Rouchon-Borie, journaliste spécialisé en chroniques judiciaires et dont c’est le premier roman, se confond entièrement avec l’essence même de son personnage. Violente, sans fioriture, sans grandes phrases ou mots savants dont il ignorerait le sens, on entre dans les méandres de son esprit, on tente de s’accrocher à ses raisonnements et de trouver des raisons à l’inexplicable. Une écriture de la pensée que nous livre l’auteur avec brio.  

J’ai été complètement happée par ce livre. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre sauf à savoir qu’il posait une marque indélébile sur ses lecteurs. Et c’est chose faite. On ne sait pas où, on ne sait pas quand, on ne sait pas dans quel monde se déroule cette histoire, mais j’ai été marquée par le Démon de la Colline aux Loups, qui est clairement pour moi mon plus gros coup de cœur de cette année.  

Mon père disait ça se passe toujours comme ça à la Colline aux Loups et ça s’était passé comme ça pour lui et pour nous aussi. Maintenant je sais que ça s’est arrêté pour de bon. La Colline aux Loups c’est là que j’ai grandi et c’est ça que je vais vous raconter. Même si c’est pas une belle histoire c’est la mienne c’est comme ça.

Note : 5 sur 5.

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