David Vann

Editions Gallmeister / 2016 / 256 pages
Été 1985. En plein cœur de la Vallée Centrale de Californie, Galen, vingt et un ans, vit seul avec sa mère. Étouffé par son amour exclusif, le jeune homme se réfugie dans la méditation. Leur existence est rythmée par les visites inopportunes de sa tante et de sa cousine trop sexy, et par celles qu’ils rendent à sa riche grand-mère dont la mémoire défaille. Mais l’accumulation de rancœurs entre les deux sœurs et l’obsession de Galen pour sa cousine ne tarderont pas à les mener au bord de l’explosion.
J’avais été très marquée par ma lecture de Sukkwan Island de David Vann, certainement l’un de ses romans les plus intimes. Marquée par la nature si présente et imprégnée dans la vision de l’auteur, par sa capacité à disséquer les âmes et à nous faire glisser dans les tréfonds de la psychologie humaine.
Impurs nous embarque à son tour dans les méandres de ces âmes qu’on ne peut pas toujours appréhender, à défaut de les comprendre.
Comme un huis clos à ciel ouvert, on intègre l’intimité d’une famille. Galen qui vit seul avec sa mère et dont la relation n’arrive plus à trouver d’équilibre, une tante et une cousine opportunistes et hypocrites créant un malaise perpétuel, une grand-mère qui pourrait équilibrer le jeu mais dont la mémoire fait défaut et qui cristallise la tension ambiante. Le jeune homme à l’esprit torturé se réfugie de plus en plus profondément dans la méditation, jusqu’à ne plus savoir reconnaître la frontière floue qui se dessine dans la fournaise suffocante.
Jusqu’au débordement. A la folie qui atteint son paroxysme au troisième tiers du livre et qui ne nous laisse plus respirer. Le basculement qui empêche tout retour en arrière et qui donne la nausée. L’espace géographique se resserre de plus en plus, la chaleur de l’été californien s’embrase.
S’il partait à gauche, il devrait passer devant sa tante et Jennifer pour sortir par la porte d’entrée. S’il allait à droite, il devrait passer devant sa mère et sa grand-mère, assises à la table de la cuisine. Il ne voulait prendre aucune de ces directions. Il voulait une troisième porte, mais c’était justement ce que la vie n’offrait jamais, et c’était peut-être aussi bien. C’est ainsi que l’on était poussé à l’affrontement, que l’on était obligé d’apprendre ses leçons.
David Vann est un virtuose de ces romans noirs et spirituels qui nous étouffent, il a la conscience de ceux qui connaissent la fragilité de l’âme des hommes et la frontière si fragile de la folie. On ressent dans son roman une fatalité oppressante d’où seule la mort peut être proposée comme exutoire.
Si j’ai mis plus de temps à rentrer dans ce livre que lors de ma lecture dévorante de Sukkwan Island, j’ai été rapidement prise au piège et suis sortie de cette lecture un peu fracassée et j’ai d’ailleurs attendu longtemps avant de trouver les mots pour en parler. Mais, j’imagine, comme ce sera le cas dans chacune de mes plongées dans l’univers Vann.
Peut-être que nos mères devaient toutes mourir. L’idée que l’on voulait coucher avec nos mères et tuer nos pères était ridicule. Nos pères restaient à jamais introuvables.