Un long silence

Mikal Gilmore

Editions 10-18 / (1994) 2021/ 624 pages

Gary Gilmore est l’un des condamnés à mort les plus célèbres des États-Unis.

Après avoir passé une partie de sa vie derrière les barreaux pour vols à main armée, il fut accusé de meurtre en juillet 1976, au moment même où la Cour Suprême, dix ans après la dernière exécution, venait d’autoriser à nouveau la peine capitale.

En réclamant lui-même sa mise à mort, plutôt qu’une peine de prison à perpétuité Gilmore enflamma le débat dans tout le pays. Il sera finalement exécuté le 17 janvier 1977 au matin.

Shot in the Heart.  

C’est sous ce titre original que ce livre est paru en 1994, décrivant la relation que l’auteur a vécue avec son grand frère, Gary Gilmore, l’un des condamnés à mort américains les plus célèbres du XXème siècle. Un témoignage poignant de celui qui ressortira peut-être le moins abîmé de cette fratrie engendrée par un couple uni dans la violence et la folie, une famille liée à un destin destructeur.

Les mots de Mikal Gilmore résonnent comme une analyse de la violence, sans concession pour la société dans laquelle elle puise ses racines, ni pour les hommes qui la véhiculent. Il questionne la part de la violence innée et celle qui naît de l’extérieur, de la religion ou la famille, mais aussi dans quelle mesure ce n’est pas l’homme lui-même qui appelle la violence.

J’ai une histoire à raconter. C’est l’histoire de meurtres : des meurtres de la chair et de l’esprit ; des meurtres nés de la douleur, de la haine, du châtiment. C’est l’histoire de la genèse de ces meurtres, de la manière dont ils ont pris forme et déteint sur nos actes, dont ils ont transformé nos vies, dont ils ont imprégné le monde et l’histoire autour de nous. Et c’est une histoire qui raconte comment la soif de violence et le meurtre prennent fin – pour autant, certes, qu’ils prennent jamais fin.

Je connais bien cette histoire, car je suis coincé dedans.

Il parle de son frère, si inaccessible avec ses 11 ans d’écart et leurs si grandes différences d’appréhension de la vie. De son parcours qui l’a conduit jusque dans le couloir de la mort en 1976 et qui l’a poussé à refuser de se battre contre cette sentence et à demander lui-même son exécution, marquant ainsi les esprits de toute une génération.

Mais il parle aussi de son père. De cet homme à l’emprise si forte, à l’esprit si divergent qu’il a répercuté des années de traumas violents sur sa femme et ses quatre fils. Il parle de sa mère, femme issue de la culture mormone qui se nourrit du sang, à la soif de liberté qui, toute sa vie, cherchera une issue qui lui était refusée dès le départ. Il parle de son frère Gaylen, celui dont il a pris la place et qui se perdra dans une autodestruction inévitable. Il parle de son frère Frank voué à rester, à n’être plus que l’ombre de lui-même malgré des rêves d’accomplissement et d’indépendance auxquels il n’accédera jamais.  

Et il parle de lui. De sa place au sein de cette famille dans laquelle on ne choisit pas sa place mais on la subit. Ou les choses sont telles qu’elles sont. Il expose les choses telles qu’il les a vécues, les étapes que son frère Gary a escaladées sans jamais rien mettre en cause, sauf peut-être les centres de rétentions pour jeunes. De nombreux faits sont passés sous silence, ou dévoilés au fil des ans, pour la simple raison qu’ils étaient tus. On lit ce livre comme la délivrance d’un homme qui a porté toute sa vie le poids d’un héritage familial lourd et injuste. Et pourtant on sait que Mikal Gilmore restera sa vie restante dans l’ignorance de certains secrets, tus à jamais.

L’histoire de Gary Gilmore a été l’objet d’un première roman de Norman Mailer, Le Chant du bourreau, paru en 1979, basé sur de nombreux témoignages et interviews. Elle a également été portée au cinéma en 1982 sous le même titre, avec Tommy Lee Jones dans le rôle phare.  

Et même si Mikal Gilmore lui-même, critique musical à succès, affirme que ces adaptations de la vie de son frère sont extrêmement fidèles, je sais déjà qu’aucune ne me touchera autant que ce témoignage d’un frère dont la capacité de résilience force l’admiration et touche en plein cœur.

« Mikal Gilmore a écrit un livre dévastateur. Une sorte de cocktail fort qui tient à la fois des Frères Karamazov et des ballades déchirantes de Johnny Cash. C’est à la fois effrayant, bouleversant, poignant….magnifique ! »

The New York Times.

Note : 5 sur 5.

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