Le soleil des Scorta

Laurent Gaudé

Editions J’ai Lu / 2013 (2004) / 256 pages

Avec une imagination qui semble avoir atteint son apogée, inondée de fraîcheur et poussée par la musicalité d’un style irréprochable, Laurent Gaudé raconte l’existence des Scorta de 1870 à nos jours. Chronique d’une famille qui vivra certes pauvrement, mais dans l’éternel désir « de manger le ciel et de boire les étoiles », Le Soleil des Scorta est une fresque vivante et volcanique.

Mon premier Gaudé. Quelques semaine avant sa venue au Salon du Livre de Genève, il était temps… Quelle claque ! J’ai adoré cette plongée dans l’univers incroyable que l’auteur nous propose avec sa plume unique. A se demander ce qui m’a fait attendre si longtemps pour ouvrir un de ses romans. J’ai choisi pour cela celui qui a reçu le prix Goncourt en 2004 déjà.  

C’est à Montepuccio, petit village traditionnel des Pouilles que se déroule au fil des ans et des saisons du Sud la vie morne de ses habitants et parmi eux, la famille Scorta. Qu’ils portent le nom de Mascalzone, Manuzio ou Biscotti, ils sont avant tout des Scorta. Dans leur cœur et l’honneur qui les guide. Lignée indigne née d’un viol et engendrant la violence, les Scorta cherchent désespérément la voie qui les éloignera de ce déshonneur qui les a marqués au fer rouge. Avec un acharnement sans pareil, les générations se suivent et s’élèvent peu à peu, gagnant ou volant le respect de leurs voisins, imposant leur place et leur nom sur cette terre où ils sont nés et veulent rester, malgré la misère et les tourments qu’elle engendre.

Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés.

L’Italie. Son parfum si particulier, ses rues endormies durant la sieste et ses tomates séchant au soleil, ses citrons pressés et ses vieillards assis devant les terrasses. Le pays entier émane de chaque page de ce roman. L’auteur a un don pour nous transposer en quelques phrases sous le soleil de plomb de ce sud si rude et attachant, unique au monde. On dépasse le stade des mots et phrases parfaitement tournées, au profit des images, des sons et des odeurs qui transpercent les pages.

Avec l’exploration de ses personnages, Gaudé nous entraîne au plus profond de l’âme humaine, là où le mal puise ses racines, où la rédemption tente de se frayer un passage au fil du temps et des aléas d’une vie parfois trop lourde à porter. Une peinture magistrale du destin. Implacable et sans espoir de retour en arrière. Mais aussi du lien familial, du sang, indéfectible et garante d’un avenir glorieux.

Un coup de cœur ♥️ qui me pousse à lire toute l’œuvre de cet auteur époustouflant.

Que chacun parle au moins une fois dans sa vie. À une nièce ou un neveu. Pour lui dire ce qu’il sait avant de disparaître. Parler une fois. Pour donner un conseil, transmettre ce que l’on sait. Parler. Pour ne pas être de simples bestiaux qui vivent et crèvent sous ce soleil silencieux.

Note : 4.5 sur 5.

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