Solitudes

Niko Tackian

Le Livre de Poche / 2022 / 288 pages

On portait tous nos cicatrices. Certaines plus voyantes que d’autres.

Une écriture rondement menée (en plus d’être romancier Niko Tackian est scénariste et réalisateur et comme beaucoup d’autres qui endossent les deux casquettes, cela se ressent), voici comment je résumerais en trois mots ce polar que j’ai dévoré en trois jours.  

L’auteur nous emmène à un rythme soutenu dans la rudesse des montagnes du Vercors où la nature choisit ceux qu’elle laisse entrer, ceux qui peuvent repartir et ceux qu’elle ne laissera plus rentrer. Les descriptions de la nature, de la force de cette région sont telles qu’on est immergés de toutes parts, on ressent le froid, le vent et l’humidité qui s’infiltre entre les pages de l’histoire. On a parfois l’impression d’un brouillard nous enveloppant, qui se lève avec le dénouement final d’une intrigue parfaitement maîtrisée. 

Ce genre d’horreur n’existait pas dans l’ordre naturel des choses, c’était un avertissement lugubre, un rappel de la démence du monde des hommes.

Le garde nature Elie Martins vit et travaille depuis douze ans dans le massif du Vercors, depuis qu’il s’est réveillé après une agression qui lui a effacé la mémoire et laissé 9mm de métal dans la tête. Privé de son passé, il s’est reconstruit un présent au milieu des brumes et des tempêtes de neige, une nature sauvage et sans merci qu’il a appris à aimer et à respecter. C’est aux côtés de Chef Reda qu’il a appris la montagne, un algérien qui a vécu au milieu d’une communauté mohawk du Québec, forgé aux rites et aux coutumes amérindiennes. Pourtant lorsque le corps d’une femme est retrouvé nu suspendu aux branches de l’« arbre taillé », tout bascule pour Elie qui se rend compte qu’un détail le lie au cadavre. Les flashs d’un passé oublié lui reviennent et avec eux la terreur d’une vérité qu’il n’a peut-être aucune envie de retrouver.  

C’est la jeune Nina, inspectrice tenace et obstinée, qui est chargée de l’affaire. Mutée dans la région grenobloise quelques années plus tôt suite à des événements qui l’ont amenée à fuir sa vie d’alors, elle sera à nouveau poussée dans ses retranchements au fil d’une enquête qui remue le passé autant qu’elle s’ouvre sur un présent flou et oppressant. Alors que tous les indices pointent leurs flèches en direction d’Elie, Nina sent qu’une vérité plus sombre ne demande qu’à être déterrée.

Ici, sur les hauts plateaux du Vercors, l’homme n’avait pas eu le temps d’imprégner la terre de son vacarme. Il n’était ni désiré ni nécessaire, et on le tolérait à peine. L’homme n’avait de toute façon aucune idée de la beauté de ce lieu. Il ne le pouvait pas, car il n’avait jamais appris ce que pouvait être un rapport naturel au monde. 

Grâce à une maîtrise du suspense, à un rythme soutenu au moyen de chapitres courts, Niko Tackian nous offre avec ce one shot un véritable page turner écrit en seulement trois mois durant le confinement de 2020. Un polar glaçant dans lequel la nature implacable nous enrobe presque autant que les ombres de ceux qui ne veulent pas qu’on les oublie.  

Note : 4 sur 5.

Laisser un commentaire


Articles similaires