Françoise Sagan

Editions Pocket / 2007 / 153 pages
C’était l’été 1954. On entendait pour la première fois la voix sèche et rapide d’un » charmant petit monstre » qui allait faire scandale. La deuxième moitié du XXe siècle commençait. Elle serait à l’image de cette adolescente déchirée entre le remords et le culte du plaisir.
Cécile passe l’été avec son père et son amante dans une maison de vacances sur la Côte. Quand on a dix-sept ans, le quotidien sans entrave et qu’on brûle de vivre, la vie qui s’étale offre des possibilités infinies. L’amour semble un jeu, pour elle qui le découvre et pour son père qui en abuse. Puis arrivent des règles qui s’installent de force à ce jeu qui n’en est plus vraiment un, qui posent des limite au plaisir et brident une liberté à peine touchée du doigt. Commence alors un autre jeu. Cruel et naïf qui s’embrase dans le Sud écrasé sous la chaleur de l’été et qui clôturera la partie de manière définitive.
Sur ce sentiment inconnu, dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.
Les grands classiques de la littérature ont ça de particulier qu’on peut les lire à de multiples étapes de la vie et qu’ils nous apportent à chaque fois des regards différents sur notre société, nos sentiments, notre vision du monde.
Lire Sagan à 18 ans et à 40 sont deux expériences différentes. Aussi enrichissantes l’une que l’autre. A 18 ans, on se glisse dans les émotions de Cécile, en brûlant du même feu et en découvrant les angoisses de la vie qui s’ouvre devant nous… à 40, on porte sur elle le regard tendre de l’expérience. On ressent avec nostalgie les sentiments d’une jeunesse insouciante et remplie d’envies non balisées. On savoure chaque mot de l’histoire car on sait que la prochaine fois qu’on les lira, ils auront encore une autre signification.
Ce premier roman de l’autrice est arrivé comme une déflagration scandaleuse dans le paysage littéraire des années 50, alors qu’elle a tout juste 18 ans, et il sera récompensé du prix des Critiques la même année. Son titre est tiré du deuxième vers du poème « À peine défigurée » du recueil La Vie immédiate de Paul Eluard.
Sagan proposera dans son œuvre de multiples portraits de femmes profonds et intimes qui posent des questions morales, fondamentales dans l’évolution du statut de la femme du XXème siècle.
Adieu tristesse
Bonjour tristesse
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es inscrite dans les yeux que j’aime
Tu n’es pas tout à fait la misère
Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent
Par un sourire
Bonjour tristesse
Amour des corps aimables
Puissance de l’amour
Dont l’amabilité surgit
Comme un monstre sans corps
Tête désappointée
Tristesse beau visage
Paul Eluard
La vie immédiate