Salina – Les trois exils

Laurent Gaudé

Editions Acte Sud / Collection Babel / 2018 / 192 pages

Renouant avec la veine mythique et archaïque de La Mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé écrit la geste douloureuse d’une héroïne lumineuse, puissante et sauvage, qui prit l’amour pour un dû et la vengeance pour une raison de vivre.

Un enfant aux cris qui traversent les montagnes est déposé aux abords du clan Djimba par un cavalier solitaire. Mais le clan refuse l’enfant qui peut amener avec lui des malédictions inconnues. Et pourtant, après avoir survécu à la chaleur mordante du soleil, au froid des nuits du désert et aux hyènes affamées, une femme sage décide de contrer la décision de son chef et de recueillir l’enfant. Nommée du sel des larmes qu’elle a versées, Salina trouve des bras et les cris cessent.  

C’est l’histoire de sa vie qui se déroule dans ce roman qui devient un conte. L’un de ses trois fils, à la fin de la vie de sa mère, lui rend un dernier hommage en disant ce que Salina a connu, subi, franchi et survécu. Ce que la vie qui lui a donné et repris, les rencontres et les exils. Les espoirs et la rancœur. Il rend à sa mère la légitimité d’une existence pour lui permettre la tranquillité de l’éternité.  

D ´aussi loin qu’il se souvienne, Salina était silencieuse. Elle parlait peu, le regardait souvent, pendant de longues minutes, tandis qu’il mangeait où était sur le point de s’endormir. Non pas comme une mère qui couve des yeux son enfant, mais comme une femme surprise de constater que cet enfant est le sien, surprise et reconnaissante. Il a toujours senti cela en elle : une incrédulité silencieuse. Les cris, c’est comme si elles les avaient étouffés parce qu’ils appartenaient à la vie d’avant. Elle n’avait plus le droit de crier, plus le droit d’enrager, elle avait ce fils. Il a toujours senti qu’il était sa réconciliation avec le monde.

Quelle beauté absolue. L’histoire de Salina, contée avec tant de délicatesse et de pudeur par le dernier de ses enfants, est une ode à la féminité et à la liberté mais aussi un témoignage de la violence et l’intransigeance des hommes.  

Après avoir créé une pièce de théâtre de ce conte, Laurent Gaudé, avec sa plume si poétique et enchanteresse, a eu la brillante idée de l’adapter sur le papier sous forme de roman. Il nous emmène ainsi dans un voyage au fin fond du désert d’où on ne ressort pas indemne, le fantôme de Salina nous tourmentant encore longtemps.  

Elle sait, elle, que la vie se soucie peu de la volonté des hommes, qu’elle décide à leur place, impose, écarte les chemins qu’on aurait voulu explorer et affaiblit ce qu’on croyait éternel.

Note : 4 sur 5.

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