Marion Brunet

Le Livre de Poche / 2022 / 240 pages
Du monde bruissant des contes de l’enfance aux clameurs froides des ténèbres adultes, les deux amies vivront une expérience terrible – de celles qui laissent des traces pour toujours.
C’est le second roman que je lis de l’autrice – après Vanda – et j’ai été à nouveau percutée par son écriture incisive et directe. Cette espèce d’urgence de vivre qu’elle transmet à travers ses héroïnes à vif et dont la soif de vivre dépasse les frontières comme les rêves les plus grands.
Des heures perdues à ne pas écouter, à graver au stylo des phrases à la con dans le bois des bureaux, des trucs censés être profonds que t’as piqué à d’autres. Des heures perdues d’ennui placide où ton corps en apnée attend que le temps passe plus vite. Journées scandées par le cri des sonneries, chaque heure, comme un appel à descendre à la cave un jour de bombardement. Tu les attends, les bombes, tu les espères, pour échapper à cette pathétique régularité de la vie. Et maintenant, vraiment, tu vas y retourner ?
Mathilde et Lou sont meilleures amies. À la vie à la mort. Elles se soutiennent lorsque la première fonce tête baissée et que la seconde réfléchit pour deux tout en freinant les envies irrépressibles qu’elles partagent dans la vie. A 18 ans à peine, le bac en poche, elles veulent la croquer à pleines dents, la vie. Le coup de tête de Mathilde les entraîne vers un aller direct direction Madagascar pour un séjour au paradis avant d’entrer dans la vie d’adulte.
Mais après quelques semaines paradisiaques, c’est une autre facette de l’aventure qui se dévoile à elles. La rencontre qu’il ne fallait pas, un choix qui s’impose, sans appel, mais qui va déclencher un enchaînement de conséquences irréversibles pour les deux amies.
Si la peur ne les rongeait pas, elles seraient renversées par la beauté des lieux, elles verraient les lianes enchâssées qui tombent en franges disparates le long des troncs ruisselants. Elles trouveraient ça magique ou fabuleux, un truc dont il faudrait se souvenir, une merveille à raconter plus tard…
Marion Brunet nous embarque dans une course poursuite haletante dans l’envers d’un décor de carte postale. Entre les méandres chronophages des villes, la réalité d’une pauvreté qu’on se prend en pleine tronche et les dangers d’une nature qui reprend tous ses droits, c’est un décor sans merci qui sert de scène à ce véritable page turner. On s’attache à ces deux nanas si différentes mais si touchantes, on s’identifie à leurs espoirs, leurs rêves et on ne peut s’empêcher de se demander…quel choix aurions-nous fait à leur place?
Un joli coup de cœur pour un des derniers polars de la sélection du #prixdeslecteurs2022polars, qui avait été précédemment publié sous le titre La Gueule du Loup aux éditions Sarbacane en 2014.
Quitter une ville à l’aube offre une sacrée gorgée d’amertume: pour la première fois on découvre vraiment ce qu’on abandonne, et c’est la dernière. Mais les trois ombres qui filent dans la poussière n’ont pas de temps à perdre en regrets inutiles. Deux forcent le pas sous le poids de leurs sacs et la troisième les devance, aux aguets. Celle-ci connaît la ville et ses yeux de chat devinent le chemin mieux que personne. La peur mord leurs mollets: pas de meilleur stimulant, sauf l’amour et encore.